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─ Merci encore pour le repas, dit Mouse, et je l'entendis mettre son assiette et ses couverts dans l'évier. J'y vais, à plus !

Je faillis m'étrangler avec mon bout de pain.

─ Tu sors ?

Je m'étais retenu de justesse de ne pas dire « encore ! », mais je crois que la pointe de déception dans ma voix était perceptible. Qu'est-ce qui m'arrivait ?

Tout allait très bien, et maintenant...

Maintenant je ne voulais pas me retrouver seul. Pas là ; pas ce soir. Peut-être parce que j'avais l'impression qu'on passait une bonne soirée Mouse et moi. Jamais je ne l'aurais dit à voix haute, mais j'avais adoré fumer sur le toit avec elle l'autre soir, rejouer aux échecs contre elle la veille, préparer ce dîner ensemble tout à l'heure... et là, elle me lâchait ?

─ Ouais, répondit Mouse, et je l'entendis attraper son sac. Et toi, tu vas faire quoi ?

─ J'en sais rien. Bouquiner sur le toit. Ecouter de la musique.

Mon ton était hargneux. Je lui en voulais, à présent, alors que ça n'avait rien à voir. Elle faisait bien ce qu'elle voulait, la Mouse !

─ Bon ben bonne soirée, salut !

Et elle sortit. Elle me planta là.

Raide comme un piquet, je déposai à mon tour ma vaisselle dans l'évier. Je rageais. J'enrageais, tout seul dans mon immense salon, dans mon immense duplex.

N'avait-elle pas dit qu'elle avait prévu de passer la soirée à la maison ? C'était quand même un comble d'être dépité de l'absence de cette fille.

Je me sentais seul, et subitement, je détestais cette Mouse, ou peu importe son nom, pour ça. Je n'avais jamais ressenti ça avant, du moins, pas à ce point exacerbé. Depuis qu'elle avait emménagé, ma solitude avait pris des proportions gargantuesques en son absence. Lorsqu'elle était là, ça allait très bien.

Je ne m'y attendais pas.

De quel droit prenait-elle tant de place ?!

Avant, au début, elle venait régulièrement à la boutique et je ne lui avais jamais demandé son prénom. D'accord, je l'aimais bien dans le fond, mais et alors ? C'était une ligne que je ne voulais pas franchir. Je ne voulais pas me faire de nouveaux amis. Je ne voulais pas sympathiser. Je voulais juste qu'on me foute la paix.

Ou peut-être pas, en fait.

Je tournais le robinet pour faire la vaisselle, en colère, lorsque la porte d'entrée s'ouvrit.

─ Hey, Louka ? fit la voix de Mouse. Je vais voir des potes... tu veux venir ?

─ Heu, ouais. Je veux bien.

─ Cool. Ramène-toi, alors.

Ni une ni deux, je jetai mon torchon et la rejoignis sur le palier. L'ascenseur était déjà là, apparemment.

On descendit dans le parking en silence.

Dans la voiture, n'en revenant pas de ce changement de plan, je demandai :

─ Tu dois les retrouver où, tes copains ?

─ Chez Sabine. Tu te souviens de Sabine ? L'opportuniste ?

─ Oui, bien sûr. Le concert approche, d'ailleurs. T'es du genre à stresser, avant de monter sur scène ?

─ Moi ? Un parterre de gamins éméchés ne me fait pas peur, généralement.

─ Ah ouais.

─ Ouais.

**

Une porte s'ouvrit, quelque part en ville, quelques instants plus tard.

Tout le temps du mondeWhere stories live. Discover now