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Louka


─ Salut, Markus.

─ Salut, gamine.

La voix était chaleureuse et affectueuse. L'air sentait le vieux. Je compris immédiatement pourquoi Mouse m'avait demandé d'apporter mon jeu spécial pour aveugles. On allait disputer une partie avec une personne qui vivait seule.

Une quinte de toux s'éleva.

─ Encore malade ? s'enquit Mouse.

Son ton était léger, mais je perçus l'inquiétude dessous. Je commençais à bien connaître les nuances de sa voix.

─ C'est pas grand chose, t'inquiète pas, Mouse. Tu me présentes pas ?

Le monsieur devait être tourné vers moi parce que je sentais son regard sur moi.

─ Si, bien sûr. Louka, Markus, Markus, Louka.

─ Ahhh ! Tu m'as emmené ton coloc slash client...

Le client. Ouais. Je n'étais pas content que Mouse doive venir me chercher, et me promène partout de cette façon. C'était à moi de venir la prendre pour aller dîner et à moi de la protéger, pas le contraire.

Je détestais tout ça.

─ Ravi de vous rencontrer, dis-je.

─ ... slash amoureux, conclut le vieux.

Je ne me fatiguai pas à le corriger. C'est vrai, quoi, qu'est-ce que je foutais là ? C'était pas du tout logique. Mouse m'intéressait, en quelque sorte.

─ Enchanté également, Louka.

─ Je te sers la main ?

─ Oui, bien sûr.

On échangea une poignée de main. La sienne était encore vigoureuse.

─ On a des jeux de société, annonça Mouse. T'es content ?

─ Youpiiii ! fit comiquement Markus. Je préférerais un tour en Ferrari, ma grande.

─ Pareil, dis-je.

─ Voilà, entre croûtons, on se comprend.

Mouse rit, et moi aussi.

─ Allez, les mômes, asseyez-vous. L'infirmière vient de faire du café. Racontez-moi tout pendant que je vous sers une bonne tasse.

On discutait de son passé dans la marine tout en jouant au Monopoli. Markus avait servi toute sa vie pour la France et beaucoup voyagé. Une vie exaltante. Son coin préféré ? Les îles de Fiji. A présent, il moisissait, de ses propres mots, dans une maison de repos.

J'étais un petit peu mal à l'aise.

─ Tu peux vivre une grande vie et finir dans un trou à rats, conclut-il.

─ C'est pas un trou à rats, dit Mouse, agacée. Tu sais combien coûte le loyer ?

─ Pourquoi, tu le sais, toi, gamine ?

Mouse ne répondit pas.

**

J'étais encore troublé lorsqu'on quitta la chambre, un peu plus tard.

─ Il est sympa, Markus...

─ Oui. Très intelligent. Il est fatigué par la maladie, mais il ne se laisse pas abattre. Je l'admire beaucoup.

─ Ouais, j'ai vu, vous êtes proches... c'est marrant que tu aies un pote aussi âgé.

─ Si on veut.

─ J'aurais préféré me comporter comme ça, comme lui... après l'accident.

─ Il n'est pas malvoyant, hein, Lou. Il perd la mémoire, comme beaucoup de personnes âgées.

─ Ouais, mais... il voit le bon côté des choses alors qu'il ne sort jamais de cet endroit.

Soupirant, je m'approchai du mur. Ma canne heurta un objet. Une rangée de chaises. Je m'assis.

─ Attends une seconde, Mouse. Il faut que je te dise quelque chose.

Mouse s'assit à côté de moi.

─ D'accord, mais fais vite, j'ai faim. Tu m'as promis un dîner.

Je déglutis.

─ Tu sais, l'accident ?

─ Ben quoi ?

─ C'est ma faute.

Mouse resta silencieuse un instant.

─ Je t'ai déjà dit que non..., commença-t-elle, mais je l'interrompis doucement.

─ Ecoute. C'est ma faute, répétai-je, articulant distinctement.

J'entendis Mouse prendre une brusque inspiration.

─ Oh, mon Dieu, tu l'as provoqué ? Tu l'as fait exprès ?





****************

Ben quand même... OUI ? EVIDEMMENT ? NON ? Ca me semble presque trop évident.

Tout le temps du mondeWhere stories live. Discover now