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Mouse


On alla manger dans un restaurant chinois, où on parla de tout autre chose, surtout de musique. Les goûts de ce brave garçon étaient discutables, mais il en connaissait un rayon. Puis on alla boire des verres au Kaziski Jolie, où on discuta au bar avec Sabine.

 A un moment, ladite Sabine me dit tout bas : « Il est vraiment canon, ton coloc, la chance ».

Mot pour mot ce qu'on me disait de Julien, avant. Pas sûre que ce soit un avantage.

En sortant de là :

─ Je dois passer quelque part, dis-je à Louka.

─ ... A cette heure ?

─ Ouais. Alors ?

─ Bon.

**

Je fis un léger détour pour passer devant mon ancien immeuble.

La voiture de Julien était toujours là, assoupie, rutilante.

Je mis le clignotant, ralentis et m'arrêtai en double-file.

─ Déjà ? s'étonna Louka.

─ Non. J'en ai pour une seconde, bouge pas.

Sur ces entrefaites, je descendis de voiture, sortis le club de golf que j'avais emprunté à Cory qui l'avait lui-même emprunté à son oncle du coffre, m'avançai tranquillement vers l'Audi... et administrai un grand coup au phare arrière.

─ Mouse ! chuchota furieusement Louka, interloqué. Qu'est-ce que tu fous ?!

─ Chut, on va nous entendre.

Autre coup bien ajusté. A ma grande satisfaction, cette fois, le phare se brisa en plusieurs morceaux qui éclatèrent sur le trottoir surchauffé. Je retournai à la voiture, balançai le club sur le siège arrière et me glissai derrière le volant fissa.

Je démarrai en sifflotant, me sentant beaucoup mieux à présent que justice était faite. Louka était tout pâle.

Ca me fit rire.

─ Mouse..., articula-t-il, estomaqué.

─ Quoi ? fis-je, nonchalante, et je donnai un grand coup de volant.

─ Qu'est-ce que tu as fait, putain ?!

J'haussai les épaules.

─ J'ai cassé le phare de la voiture de quelqu'un.

─ Quoi ?? s'étrangla Louka, indigné. Tu plaisantes !

─ Non. Tout est dans le poignet, fis-je, et je tournoyai le poing.

Je me souvins qu'il ne pouvait pas me voir.

─ Ce quelqu'un pourra la remplacer dès demain, expliquai-je, mais ce quelqu'un y tenait quand même beaucoup, tu vois.

─ Mais enfin, POURQUOI ? s'écria Louka, horrifié.

─ C'est la bagnole de mon ex... tu te souviens ? Le petit con.

─ Oh, mon Dieu, Mouse, grogna-t-il, enfouissant le visage dans ses mains.

─ Il m'a trompée avec une amie, expliquai-je en dépassant une Toyota. Enfin, ex-amie, elle aussi, du coup, hein. A voir ce que je vais lui faire subir à celle-là. Et apparemment, c'est pas grave du tout. Il n'appelle même plus pour s'excuser.

─ J'en suis désolé, Mouse, mais il y a d'autres moyens de gérer sa colère, tu sais.

─ Ah ouais ? Lesquels ? Oh, attends, laisse-moi deviner : provoquer un accident de la route en espérant à moitié y passer ?

─ ... c'est pas drôle. La thérapie ?

J'éclatai de rire. J'en avais les larmes aux yeux.

─ Dis donc. De nous deux je pense que tu es celui qui a le plus besoin d'une thérapie.

─ J'y suis déjà allé, ça va.

─ En ne précisant pas au thérapeute la nature de ton accident ? Très utile.

─ Changeons de sujet.

Un peu plus loin, je me garai.

─ Je reviens, dis-je à Louka.

Je descendis de nouveau de la voiture et tournai au coin de la rue. Evidemment, la maison n'avait pas bougé. J'escaladai souplement le portail et me laissai tomber de l'autre côté. J'ouvris de l'intérieur, sortis et retournai à la voiture. Louka m'attendait sagement, ses écouteurs sur les oreilles.

J'ouvris la portière et abaissai son casque autour de son cou.

─ On y va, mon loulou.


Tout le temps du mondeWhere stories live. Discover now