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Je retournai dans la cuisine et me servis une part de pizza sur un mouchoir en papier. Puis, cherchant un joint dans la poche de mon blazer trop grand, je repensai à la question de Benjamin.

 Etais-je nerveuse à l'idée que Lou me verrait prochainement ?

J'avais bluffé. Evidemment que j'étais nerveuse. Je n'avais aucune idée de sa réaction, si je lui plairais ou non. Depuis le début, j'espérais que je lui plairais. Sinon... quoi ? Rien. C'était comme un premier rencart avec un type rencontré sur Internet. Sans photo. Ni plus ni moins. Je l'avais déjà fait, d'ailleurs. La différence, c'était que moi, j'étais sûre d'être satisfaite puisque Louka m'attirait déjà sur ce point. Et d'ailleurs, j'étais déjà sortie avec des types qui n'étaient pas des gravures de mode, mais que je trouvais intéressants. Je n'accordais pas tant d'importance à l'apparence. Un peu de charme, un bon mental, ça me suffisait.

Et puis, on avait dormi ensemble, Lou et moi, merde. On avait une véritable alchimie. Il aimait mon parfum. Il aimait ma peau. Il aimait ma voix.

Si seulement il pouvait m'aimer, moi, je serais tout à fait rassurée !

Tout cela était ridicule. On ne se connaissait pas depuis très longtemps, alors...

Je décidai d'aller le voir avant de me rendre folle. Lison était juchée sur les genoux de Louka et lui bécotait l'oreille. Mon estomac fit un double salto arrière. Pourquoi ne la repoussait-il pas ? Je fusillai Lison du regard.

- Je vous gêne pas trop ? Descends de là.

Elle leva les yeux vers moi, sourcils froncés.

- Qu'est-ce que tu veux, encore, la coloc ?

- Gret ? ânonna Louka. Tu es là. Faut que je te parle.

Il fit descendre Lison de ses genoux. Derechef, elle se mit à bouder comme une gamine.

- Ce ne sera pas long, lui dit-il, le ton pâteux.

- Ce que t'es bon prince, rétorquai-je, exaspérée. A quoi tu joues avec ton ex ? Je croyais que c'était fini entre vous ? C'est pas ce que tu m'as dit ?

Bien que légitimes, toutes ces questions m'irritaient au plus haut point. J'étais beaucoup trop attachée à lui, à ce qu'il faisait - ou ne faisait pas, du reste. Ca m'importait. Je ne me sentais pas bien. Je n'avais pas l'habitude de tout ça - être autant attachée à un mec, les sentiments, le doute, la jalousie. Je n'étais pas certaine d'aimer tout ça. Ca me rendait faible. Je n'étais pas faible... mais je restais une femme comme les autres.

Louka posa un bras sur mes épaules et m'entraîna dans un coin du salon, près des baies vitrées. Il empestait l'alcool.

- Lâche-moi, s'il te plaît, dis-je froidement.

- Gret... ma douce.

Chaque fois que j'entendais mon nom dans sa bouche, mon cœur s'arrêtait. C'était à ce point-là. Sa voix si grave, si sexy. Je fondais littéralement. Louka se pencha vers moi et articula :

- Lison ne sait pas que je suis amoureux de toi.

Mon cœur s'arrêta.

- Et tu sais le plus beau ? reprit Louka en me pinçant le nez. Elle ne le saura pas.

- Hein ?

- C'est drôle, tu vois. Je t'aime, mais je ne te désire pas.

Mon cœur se décrocha et dégringola dans ma poitrine. Quoi... ?

- Bien sûr, je fantasme sur toi, mais c'est une image, expliqua Louka, agitant sa bouteille de bière sous mon nez, et je l'écartai avant qu'il me l'envoie dans la figure. Je ne te vois pas. Tu n'as pas de visage. Alors, est-ce réellement de l'amour ? Ou une simple fuite en avant ?

Tout le temps du mondeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant