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Vingt minutes plus tard, je me garais devant le studio pour, comme qui dirait, une après-midi de torture.

Le soleil s'était fait la malle. Le ciel était gris, le vent qui s'était levé m'envoya mes cheveux à la figure : la pluie menaçait.

Les doubles portes à peine franchies, je me retrouvai au milieu de l'agitation effervescente du plateau, encerclée par l'équipe technique affairée et les figurants qui allaient et venaient. Une vraie ruche.

Un figurant s'approcha de moi avec un sourire aimable. C'était un homme d'âge moyen, à la calvitie avancée, vêtu d'un t-shirt et d'un jean banals pour la scène, qui avait déjà croisé ma route lors de précédents castings.

─ Salut, Mouse. Ça va bien ?

Il était sympa. Il devait s'ennuyer et chercher à briser l'attente.

─ Salut. Ouais, ça va. Prêt pour une longue journée de tournage ?

Je passai d'abord par la maquilleuse. Elle me fit la totale ce jour-là tandis que la coiffeuse entreprenait de me lisser les cheveux. Je grimaçai. Super, ils allaient être encore plus secs ! La maquilleuse abusa du fard à joues, à mon humble avis. Lorsque à l'occasion je levais les yeux de mon écran et que je me regardais dans le miroir surmonté de ses petites ampoules, j'avais l'impression de voir une poupée russe, à ceci près que j'étais loin de l'être. Mais tant pis, c'était pas ma pub à moi.

─ Je fais le chignon ? s'enquit l'assistante de la coiffeuse, remontant nerveusement ses lunettes sur son nez.

J'aurais pu aussi bien ne pas être assise entre elles toutes.

─ Pas pour la première prise, Aurore. Elle doit rester les cheveux détachés. Reviens après.

Ladite Aurore s'éloigna en trainant des pieds.

Après ça, on me somma d'enfiler une robe du soir lamée.

─ Evite de mettre du maquillage dessus, si possible, me lança l'habilleuse, de mauvais poil.

─ Ca va, je suis une pro, hein.

─ Ce sont les pires, généralement, faire attention au matos, vous connaissez pas.

─ Si tu le dis.

Fin du dialogue édifiant.

Non loin, la foule bigarrée des figurants papotait. Des jeunes, pour la plupart. L'accessoiriste enfilait une montre à un type de mon âge en costard cravate. Je l'avais déjà croisé à quelques autres castings et ce n'était pas mon meilleur ami, sans être mon pire ennemi pour autant. Il me salua d'un signe de tête.

─ Salut.

─ Salut.

Je ne me souvenais pas de son prénom.

Le metteur en scène déboula alors qu'on arrangeait les plis de ma robe de soirée rose dragée, suivi du scénariste, un vieux beau au cheveu gominé qui mâchait énergiquement du chewing-gum en permanence. Il était jeune, stressé et stressant, et son nez était surmonté d'énormes lunettes censées lui donner l'air cool mais qui lui donnaient surtout l'air d'une sorte de chouette. Il portait une veste de costume alors qu'avec les spots braqués sur le carré du tournage, il faisait une chaleur intense. La maquilleuse me regardait du coin de l'œil ; elle avait peur que je me mette à transpirer et qu'il faille reposer le fond de teint et tout le tralala.

─ Hé, Mouse, m'alpagua le metteur en scène, agitant son script. Tu es une femme épanouie, tu viens de te préparer, tes cheveux sont parfaits, tu vends cette soirée comme si elle était la meilleure chose au monde. Tu fixes la caméra, tu souris, et tu dis tes répliques. Facile, non ?

Tout le temps du mondeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant