un troisième chapitre

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Chapitre 3


Le car qui nous amène à la ville à l'océan sert la gare le lendemain à l'aube. Il reste de longues heures où je peux profiter de ma petite vie monotone avant de faire le grand saut.

Ma quatrième fugue ne ressemblait pas du tout à celle-ci et s'était arrêtée un tout petit peu plus loin alors que je dépassais la frontière de la région.

Olivia me secoue depuis tout à l'heure, en essayant de me motiver à aller à l'hôtel avec eux. J'ai ouvert mon porte-monnaie quasi vide et l'a montré de façon naturelle mais renfrognée. Elle m'a montrée sa carte de crédit et m'a sorti un clin d'œil tout droit sorti d'anciens films à l'eau de rose.

La blonde m'a tirée par le sweat et j'ai abîmé mon jean en rampant. Il est 18 heures passés et l'hôtel qui me fait face ressemble à un taudis d'esprits. Bientôt, je ferai le remake de the shining.

Oli' prend la peine de passer à l'accueil en discutant exagérément des prix.

- Hors de question. Affirmé-je en la regardant droit dans les yeux.

Elle m'a payé une chambre et le trajet du lendemain secrètement. Je comprends assurément bien pour le trajet, mais la chambre, elle est de trop. C'est généreux et il faut que je m'en satisfasse comme une grande mais voir dépenser inutilement de l'argent pour une fille qui préfère dormir à la belle étoile, il n'y a rien de plus con.


Après de longues complaintes et un débat sans fin, Neville a tiré Olivia par l'oreille et m'a poussé dans ma chambre. J'en suis encore ahurie.

La chambre dispose d'une terrasse, d'une salle de bain et d'un lit moelleux, tout ce qui ne me plaît plus pour vivre chaleureusement. Si je fugue, c'est pour être libre, pas garante d'une chambre qu'on m'a imposée.

J'ai cédé à prendre une douche. L'eau chaude a enlevé toutes les petites crasses de mon corps et j'ai remarqué l'apparition de deux points de beauté sous mon menton.

Petite, se laver représentait le passage d'une expérience sale à une expérience propre, – même si c'est toujours le cas –. Cependant, je chérissais beaucoup trop l'expérience sale avec mes petites bottes en caoutchouc remplies de boue. Le moment où j'étais habillée dans ma petite robe fleurie qui sentait la lessive fraîche ne m'intéressait pas.

Aujourd'hui, me laver ressemble à toutes les nombreuses fois où je me suis lavée sous l'eau : le shampooing qui a coulé jusqu'à mes yeux, qui me picote encore et des bulles formées par le gel douche de l'hôtel et mes petites mains qui n'ont pas supporté que j'enlève mes mitaines.

Sous la douche, je pense toujours à ce qu'il ne faut pas penser. C'est horripilant.

Reina Lyange. L Y A N G E. Naître riche restera toujours plus chanceux que naître pauvre. Mais le nom de famille LYANGE portera toujours la poisse au fond, comme une plaie qui ne se referme pas.

« Oh Lyange, ce n'est pas le nom de l'affaire de l'adultère ? » « Oh Lyange, ce n'est pas le PDG qui s'est suicidé en sachant que sa fille allait naître. » « Oh Lyange, ce n'est pas la mère du chef de la société qui s'est remarié avec le petit frère de son défunt mari ? »

Les petits scandales en campagne font souvent le tour de la région avant d'écraser votre propre image. Être née Lyange c'est comme supporter d'être née dans une affaire d'excentriques manipulateurs.

Je me suis payée deux pommes pour le dîner et une part de cheesecake. C'était sec, les fruits trop acides et j'ai encore terriblement soif. En espérant que l'eau du robinet est potable, j'ai rempli ma bouteille en la buvant goulûment.

Trois heures plus tard, la lune brille sous les étoiles. Je suis allongée dans mon lit, paisiblement et n'arrive point à fermer l'œil. La température à l'intérieur est trop agréable, trop semblable à ma chambre d'hier et je n'aime pas ça, je déteste ça même.

Je me suis rhabillée chaudement, ai pris mon sac de couchage et me suis décidée à dormir sur la terrasse/balcon – je ne discerne toujours pas la différence – les yeux plissés dans le noir.

Dehors, il fait beaucoup trop froid et à force de vouloir m'abstenir de dormir au chaud, je parie que je vais mourir de congélation d'ici demain matin. (il est minuit passé, ce n'est plus demain mais aujourd'hui oups)

C'est dans un froid royal que je remarque la fumée sur ma gauche. Merde, une chambre qui flambe ? Un autre joint accroché à un mur ?

Non, seulement un gars nommé Neville qui fume accroupi dehors, la doudoune en couette. Il m'a tout de suite remarqué, littéralement. J'ai fait un bruit atroce en fermant la porte de ma terrasse et celui-ci aurait très bien pu réveiller tout l'hôtel de quatre étages.

Les deux terrasses étaient collées l'une à côté de l'autre et je me suis posée dans un coin en silence, le carnet de rapports dans l'autre main. Si j'écris maintenant, mon écriture sera toute penchée dans le noir et l'encre s'étalera sur mes mains toutes propres.

Neville ne me fixe que lorsque je ne le fixe pas, ce qui rend un très joli tableau entre deux fous planqués sur des terrasses. L'envie d'une clope m'a pris en tenailles et je lui ai demandé une taffe avec quelques signes maladroits. Il me l'a passée entre les barreaux rouillés et j'ai fumé.

Le goût de la cigarette est toujours aussi immonde et je regrette d'avoir refumé alors que ce n'est pas du tout ma priorité dans la vie. Il m'a regardé tout le long en examinant mes moindres gestes. J'ai ressenti la petite impulsion de vouloir la lui rendre mais il a préféré en sortir une nouvelle pour me laisser terminer le sienne.

Mon visage est devenu tout rouge. Non pas parce que je suis le genre de fille à être gênée quand on m'offre une clope mais bien parce que je suis pire que cette catégorie de filles-là. Il y a eu un baiser sans contact charnel par le biais de lèvres posées sur le bout du filtre. Je suis carrément RI-DI-CU-LE.

Voilà mon plus gros point faible : le peu d'expériences avec les garçons. Vous me mettez en présence d'un gars pas trop dégueu et je me transforme en asticot. Et là, le gars n'est vraiment pas dégueu, il est même vachement beau, même peu éclairé.
Prêter moi une clope et je deviens déstabilisée comme une pré-pubère à la recherche du grand amour.

- Merci. Chuchoté-je dans la pénombre alors qu'il fronce exagérément des sourcils.

Il n'a rien répondu et j'ai trouvé ça vachement malin de sa part de ne pas dire « de rien. », ça aurait cassé l'aura bizarre qui planait autour. Deux inconnus qui se parlent en fumant, une image parfaite à prendre pour la poster sur les réseaux sociaux.

J'ai longuement réfléchi pour me taire définitivement. Devais-je poursuivre la « conversation » ? Rebondir sur un sujet qui m'intriguait ou une anecdote que j'aurais aimé raconter ?

C'est grave, docteur la lune, que sur une terrasse, dans la ville aux scouts, je me sente encore aussi endommagée ?

Je me tais avec ces foutus yeux dans la vague d'une nuit aux étoiles qui s'éteignent à des années-lumière. Puis les paupières lourdes, j'ai sombré dans les joies d'un sommeil frigorifié.




nda: bonjour/bonsoir, comment ça va les nems?

alors ça fait vachement longtemps que je n'ai pas écrit une petite note de l'auteur à l'ancienne et je pense qu'aujourd'hui avec e chapitre, c'est la bonne occasion.

j'ai vu quelques commentaires enthousiastes avec l'intro et le peu de commentaires sur le reste des rapports et des chapitres m'a un peu fait flippé parce que j'ai l'impression que ça ne vous plaît plus vachement :c (je précise que ce passage n'incite pas à commenter ou quoi que ce soit, c'est juste pour vous faire part de ma petite inquiétude humaine sur le sujet vu que vos avis comptent vraiment pour moi!)

merci infiniment pour ces vues qui grimpent, ces votes qui montrent que vous êtes toujours là à mes côtés. bref, vous êtes les meilleurs, j'vous nem <3

bis, elo qui vous nem

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