un vingtième chapitre

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Chapitre 20

Je suis en deuil. Après quatre longues journées et nuits à la ville à l'océan, j'ai tenté de comprendre ce qui n'allait plus en moi. Je ne me retrouve pas, j'ai perdu quelque chose en découvrant la simple et pure vérité. Ce qui se déroule en moi est comme un poison qui me piège dans son venin. Je suis allée à l'auberge de jeunesse et ai cherché le plus d'informations possibles sur les phases du deuil. Et j'ai compris.

C'est une courbe, qui décroît puis remonte.

Il y a le choc, le déni, la colère, la peur, dépression, la sidérante tristesse, l'acceptation, le pardon, la quête du sens et du renouveau puis cette sérénité, paix retrouvée qu'on attend tous un jour ou l'autre. Je n'ai jamais vécu le deuil d'un père et du jour au lendemain, j'ai plongé dans celui-ci. Mon choc est passé, le déni oublié et la colère perdue. Il ne me reste plus que cette profonde tristesse, cette dépression intérieure où je me demande si je suis encore vide ou le poison qui est entré en moi a réussi à effacer tout espoir.

J'ai pensé à la prochaine étape : l'acceptation. J'ai essayé de coller cette expérience à celle du schéma. Et je me suis rendue compte que j'avais tout fait dans le mauvais ordre, tout à l'envers avant de refaire un tour dans l'autre sens.

C'est grave comme sensation, on ne sait plus si on va bien, on ne sait plus si y a une chance qu'on aille bien. De toute façon, si je rencontre quelqu'un d'ici là, la personne me fera comprendre que ça ne sert à rien de graviter autour d'un fantôme pour aller bien.

J'ai même énoncé un nouveau principe, comme si j'étais la seule sur Terre à pouvoir l'appliquer et le créer. Je l'ai appelé le principe Nib, parce que je n'avais pas d'inspiration pour trouver un autre nom et que ce mot m'obsède au fond.

J'ai dit un jour que chaque personne était un univers. Mais je me suis peut-être trompée, parce qu'il n'y a pas assez d'univers jusqu'à présent et qu'on est en réalité de simples étoiles, des trous noirs, des planètes ou des satellites. On gravite tous par rapport à quelque chose et chaque personne est une étoile, un trou noir, une planète ou un satellite. Il y a des météores, des comètes et chaque situation nous fait changer de rôle pour en endosser un autre. La réalité est que des personnes sont des étoiles plus souvent que d'autres, que d'autres restent des boules de glace qui s'écraseront quelque part. La vérité c'est que je suis une comète et que j'ai arrêté de vouloir être une étoile ou une planète. Les étoiles deviennent des constellations ensemble et tout prend sens. J'aimerais graviter autour de quelqu'un, j'aimerais qu'on gravite autour de moi. J'ai besoin de ça.

Ce principe est con, pseudo-poétique et n'est même pas intelligent. Mais il donne à tous un objectif. Celui d'être l'étoile et de graviter autour d'elle-même pour graviter autour des autres sans soucis.

Neville est un trou noir, Olivia une étoile qui n'attend que d'exploser. Mon père était une étoile qui se devait d'oublier qu'elle avait été un jour un satellite.

- Tu vas y arriver Reina. Me suis-je encouragée les yeux gonflés.

Je suis partie de l'auberge de jeunesse en remerciant grandement Véronique et ai refait le même trajet que d'habitude. De la ville à l'océan, à la ville aux écoles pourries. J'ai enregistré le mail que ma mère m'a envoyé avec toutes les informations, les pièces jointes possibles. Elle m'a inscrite à la pension d'Olivia et mon compte bancaire est ouvert à toutes mes dépenses. Elle me connaît bien de surface finalement et sait que j'évite toujours de prendre de l'argent sur ce qui ne vient pas de moi. Je trouverai un boulot les week-ends. J'arriverai vivre par moi-même – sauf pour les études qu'elle paye –.

NibOù les histoires vivent. Découvrez maintenant