un douzième chapitre

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Chapitre 12

Le front collé contre la vitre, j'ai vécu un trajet périlleux. Toutes mes pensées ont préféré vagabonder d'un hémisphère à l'autre dans mon pauvre petit cerveau durant les neuf longues heures. Le car a dépassé la station service, le lac, le petit village et le chemin où le premier chauffeur suant m'avait laissée en plan. Il s'est arrêté une bonne fois pour toute dans la ville aux bus et les portes se sont ouvertes.

J'ai la nausée. En posant le pied par terre, j'ai l'impression de revenir en arrière, me rapprocher de ma mère et de ma vie d'il y a quelques semaines. Et je n'en ai terriblement pas envie. Rien que d'y penser, j'en ai la boule à la gorge. Ça s'est déjà reproduit quatre fois, quatre retours chez soi de trop.

J'ai inspecté les environs et avec surprise, j'ai retrouvé mon vélo. Il est encore accroché là, où il était, intact. Sur la selle se sont déposées quelques gouttes de pluie et des feuilles rousses se sont accrochées aux roues. Le vélo de mon frère, il a tenu le coup.

J'ai cherché la clef partout. Nulle part. Le cadenas restera bloqué longtemps. Le prochain bus arrive dans une quinzaine de minutes et j'ai déniché ma place malgré la grève de quelques commerces de vente de billets.

Je vais y arriver.

Le bus s'arrête à différentes stations très écartées les unes des autres. Je m'arrêterai à la dixième dans un petit bourg dont le nom sonne faux. La onzième est celle qui dessert l'internat de Neville, à quelques minutes de marche.

Le bus est arrivé, j'ai eu le temps de m'acheter quelques friandises et changer mes lentilles. Celui-ci est beaucoup moins étouffant que l'autre, une heure et demi de trajet et j'y serai. Olivia me reverra et je pourrai la serrer dans mes bras. Une heure et demi et je pourrai lui sourire comme elle souriait avec moi.

Je n'ai pas trouvé d'écouteurs. Ça m'a mise en colère, je ne sais pas pourquoi. C'est rien d'avoir des écouteurs ou pas sur soi. Il n'y a rien de dramatique. Et pourtant, là tout de suite, je n'ai qu'une envie, dormir en entendant quelques voix de chanteurs dont j'aime tant. J'en achèterai si j'en ai l'argent. Normalement, tout le fric que j'ai retiré suffira, mais ça me fout les jetons en soit, les gens peuvent facilement retrouver la piste de mes passages à la banque. Tout est pisté en ces ères technologiques carrément terrifiantes. Tout.

Cette fois-ci, il y a pas mal de jeunes dans le même car. Quelques fois, je croise le regard d'un blond, très élancé avec un visage vraiment beau gosse. À croire qu'il n'y a que dans les bus que l'on peut croiser les beautés de son genre. Il m'a fixée un temps avant de cligner imperceptiblement les yeux. Le gars est accompagné d'une nana, aux cheveux rouges. Ils vont vachement bien ensemble, à se donner la main. Ouais, en réalité, ils sont carrément beaux. Ils sont sortis trente minutes plus tard, toujours main dans la main, le garçon avec le sourire aux lèvres. Sa supposée petite-copine vient de lui piailler un « Aris, je ne reprendrai plus jamais le bus de ma vie. » et ils sont partis, d'un coup sans rien laisser traîner derrière eux.

Ils étaient les seuls intéressants dans ce bus de personnes patraques. Moi, j'essaye encore de me fondre dans la masse, eux, ils n'en avaient pas besoin : ils étaient littéralement dans un autre monde.

J'ai posé mes yeux vers le paysage qui défilait. Des habitations, puis quelques quarts d'heure plus tard, j'ai vu les premiers champs. Les champs français par excellence, là où tout le monde plante du blé avec leurs tracteurs et leurs machines. Ça m'a rappelé à quel point j'aimais manger bio avant de partir crever de faim à l'océan.

Je suis sortie à ma station et ai senti le froid me regagner dehors. Je gèle mais j'aime bien. Ici, l'air est bon.

Je marche en suivant les indications d'un panneau puis arrive devant une énorme bâtisse en pierre. Un endroit à couper le souffle, vraiment. Les tuiles du toit sont fraîchement rénovées et la peinture des façades refaite. Tout semble neuf et propre. Beaucoup de filles traînent par-là, après tout, ça doit être leur lycée.

NibWhere stories live. Discover now