un dix-septième chapitre

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Chapitre 17

La vie avance mais je n'en ai pas la notion. Il me faut de longues secondes avant de me rendre compte que ma main effleure la peau de sa joue, que mes yeux sont absorbés par la beauté de ses traits.

Pour l'instant, il n'y aura pas vraiment de « nous ». Je n'en suis pas si sûre au fond. Pour l'instant, malgré tout ce qui arrive, il n'y aura pas de « nous ». Je ne veux pas être avec lui par dépit, pour être sa petite-amie. Ce n'est qu'une petite romance de rien du tout pas vrai ? Deux adolescents qui se retrouvent dans un car, l'une qui fuit, l'autre qui dérape. Peut-être que le destin joue souvent des mauvais tours. Mais peut-être que j'avais bel et bien besoin de rencontrer des personnes comme Neville et Olivia. Peut-être qu'eux aussi, ils ont eu besoin de l'aide de la rencontre d'une fille comme moi.

Sa peau est douce, véritablement douce. Elle est chaude, pas moite, juste douce. Est-ce que Neville Morel aime mettre de la crème ? Est-ce que le brun se fait des masques d'argile le lundi soir ? Je n'en sais rien, mais c'est si doux... Je me perds dans mes pensées, divague, attendrie.

C'est compliqué de ne pas avoir de « nous » en sachant qu'au fond de ton cœur sommeille quelque chose de bien plus grand. Ma mère m'a toujours dit que l'amour d'un adolescent est absurde et à ne pas prendre au sérieux. Et si... elle n'avait rien compris à cette dénommée vie ?

Parce que, l'amour, les sentiments, la vie sont étroitement liés et quoi de mieux que l'adolescence pour les animer ? C'est peut-être extravagant d'avoir des idées en tête, des rêves à en faire perdre le nord, des projets d'avenir sans queue ni tête... Et pourtant... C'est avec cela que l'on définit tout un monde. Moi, Reina Lyange, y croit dur comme fer. Tout humain possède son propre univers.

- Hey... Grommelle-t-il la tête dans un coussin.

Ses paupières s'ouvrent délicatement, avec un bruissement d'air. C'est inhumain d'être si beau, tandis que je ressemble à une piètre reproduction d'un lampadaire. Ça craint même d'être face à un être comme lui au réveil.

- J'ai rêvé de toi. Avoue-t-il en enfouissant sa tête dans mon cou.

Quatre mots et tout un rêve. J'ai aussi rêvé de lui. Je ne me souviens plus de grand chose de ce beau rêve mais, au réveil je me rappelle avoir essayé d'en garder des brides. J'ai tenté de les éclater pour les recomposer dans ma tête. Sans succès, j'ai juste un vague souvenir d'un sourire à la Neville Morel.

- On pourra parler de tout ça tout à l'heure ? Demandé-je d'une petite voix.

Il me serre soudainement, comme si plus rien au monde comptait, comme s'il allait soudainement me perdre.

Hier soir, dans les alentours de minuit, allongés dans son lit, nous nous sommes racontés des vies. La sienne et la mienne, les nôtres en regardant le ciel.

Je lui ai raconté à quel point j'aimais la pluie, l'océan et l'espoir de trouver sens à la vie. J'ai parlé de la photo de mon père, des Lyange, du monde dans lequel j'ai grandi, confinée, manipulée, fragilisée. Ensuite, ç'a été son tour. Il m'a parlé de Calypso.

« Je l'ai rencontrée en 5ème, elle venait d'arriver dans mon collège. Elle était drôle, patiente, pleine de vie. Sa plus grande passion, le patinage artistique. J'ai passé des journées à l'épier patiner à la patinoire de la ville, l'admirer faire des saltos en deux en trois mouvements. Elle me fascinait. Puis on est devenu amis. Je ne sais plus quand exactement mais elle est devenue indispensable à ma routine du quotidien. La voir, la fréquenter, lui parler, c'était une chance, un grand privilège pour le Neville de 12 ans. Elle m'a acheté mon premier carnet, mes premiers feutres pour dessiner et m'a donné la force pour me surpasser. Avec elle, j'ai construit une grande amitié, complicité. Vient le lycée ou la précipitation de toute la romance. En seconde, elle m'a avoué qu'elle m'aimait. Je le croyais également et on s'est mis ensemble. J'ai fait toutes mes premières fois avec elle, j'ai tant partagé avec cette boule d'énergie. Après, il y a eu ma dépression. »

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