Nib

un dernier colis

un colis

Contenu : une boîte aussi noire que l'encre de chine. Dedans, des photos, une carte postale et un papier froissé, déchiré mais bien scotché.

La carte postale :

« reina,

ton papa est arrivé à l'océan. tu vas naître bientôt. qu'est-ce qu'il fait beau aujourd'hui, en ce quatorze octobre 1998.

j'ai trouvé un sens à ma vie, malgré la maladie. c'est toi.

je suis sûr que tu seras la fille la plus heureuse au monde, sincère, attendrissante et jolie. Je suis sûr que rosa te passera la carte postale en ton dix-huitième anniversaire parce que je n'oserai pas t'approcher du fait de ma maladie.

si toi aussi, tu te poses des questions, sache que :

le sens de ta vie, c'est toi qui le trouvera. je peux te donner un coup de pouce lyangélique. mais au fond, ça ne vaudra jamais l'or de tes propres réflexions.

il faut croire. croire, encore et encore.

ne crois pas seulement en les autres, comme je le fais avec rosa.

n'oublie pas de croire en toi.

NIB »

Le papier froissé :

« Ton père était le grand amour de ma vie.

Le 24 octobre 1998, ton beau-père a menti à ton papa en disant que j'ai avorté. Je n'en savais rien. Le soir-même, il a sauté d'une falaise. J'ai reçu le contenu de la boîte bleue le lendemain avec cette carte postale adressée à sa fille.

Je lui avais envoyé des photos de toi dix jours plus tôt, après le passage à l'hôpital dans mon ventre. L'échographie a fait remonter en moi quelque chose de nouveau, une lumière au milieu du chaos.

La maladie s'est développée sans qu'il le sache. Un soir, j'ai explosé, j'ai voulu divorcer. Ça m'a dévastée, et la femme froide qui se tient devant toi aujourd'hui est le résultat de cette soirée. J'étais enceinte. Je voulais avorter parce que je n'aurais pas pu t'élever seule avec l'ombre d'un père malade. Il aurait été un si bon père si la maladie ne l'avait pas attrapée.

Avant que les voix n'apparaissent, il me répétait cette phrase incroyable propre à lui:

« Noie l'Imaginaire et Brille d'amour. ». Retiens ça Reina, c'est la preuve que ton père a bel et bien existé et qu'il nous a aimées.

Tu dois me croire sur parole, si j'ai épousé ton beau-père, c'est parce que la vie a fait que j'ai décidé de te garder. Je voulais la prospérité, ton bonheur, des conditions favorables à une enfance joyeuse.

Mais je n'ai jamais été heureuse et n'ai jamais cessé de combattre ce malheur pour qu'il ne t'atteigne pas. En conséquence, j'ai été distante, froide et tu as été négligée.

Finalement, je n'ai même pas été à la hauteur. Excuse-moi encore, je sais que je suis impardonnable.

Cette feuille ne devrait pas exister.

Tu as bien grandi. Ton père avait un prénom autre que Mr. Lyange : Samuel.

Et sache que Sam' est fier de toi, là-haut.

Ta maman, Rosa'. »