Nib

un quatorzième rapport

CARNET DE RAPPORTS DE REINA LYANGE, p.68

5ème fugue

Quatorzième rapport : 01/11/16

« Je n'ai pas écrit de rapport depuis les événements de l'autre soir. Je n'ai pas écrit de rapport depuis une longue semaine et je ne sais pas comment je me porte réellement.

Ça fait sept jours que je suis planquée dans la chambre d'Olivia, je ne fais pas rien, j'étudie. Je fais des schémas sur des morceaux de papier qui traîne, pense à beaucoup de choses mais évite de penser à lui.

Non pas que je sois dans le déni. C'est fini avec Neville, c'est tout. J'ai relu quelques uns de nos messages avant de supprimer son numéro. Je l'ai bloqué.

Olivia m'a trouvée super courageuse pour le coup et a trouvé le fait que je réagisse ainsi réellement admirable. Elle m'assure que c'est vraiment bien, que je me comporte comme il faudrait après une rupture. Que tout a l'air serein.

Le truc, c'est que voilà, ça ne va pas du tout. Quelques fois avant de dormir, j'ai envie de pleurer. Ses mots heurtent mon esprit et c'est tout simplement écœurant d'y repenser. Parce que tout ce qu'il m'a dit ce soir-là était immonde, qu'il ait merdé, qu'il ne croie pas m'aimer. Qu'est-ce qu'il croit ? Qu'il a qu'à dire ça pour que moi, ce que je ressens s'efface et s'envole au loin. Les sentiments ça ne se balaye pas comme ça. Et si ça avait été le cas, je n'aurais jamais pu affirmer le fait qu'être amoureuse de lui ressemblait à un trou noir dans l'Univers, à une tache d'encre difforme sur ma page. Un truc qui n'a rien à voir avec la réalité, qui défie toutes les lois de la gravité.

Ça se ressent ce genre d'handicap sentimental. Je n'ai plus l'appétit mais je m'efforce de manger parce que c'est pas un gars qui va me priver de mes barres de céréales et des purées. Je n'arrive pas à écrire. J'ai des pages de rapport bourrées d'encre bleue. Des taches partout, opaques, lisses, transparentes, pharamineuses. Combien de fois j'ai attrapé mon stylo pour tenter d'accoucher sur papier mes pensées ? Combien de fois j'ai échoué ? Enfin, il y a cette impression de ne plus trop savoir quoi faire. Parce que j'ai fait des maths pour me distraire. Et franchement des maths, Reina, ça craint de faire ça.

J'ai dessiné mais ça m'a fait mal. Alors j'ai regardé la télé, ouvert mon portable et ai même installé des applis pour méditer. Olivia n'a pas le temps avec ses cours, des fois, je me dis que je suis vraiment de trop à dormir dans sa chambre.

L'océan me manque. Vraiment, mais je ne peux pas encore y retourner, je le sens mon carnet, je n'y arriverai pas, assise à toute te raconter une semaine après, à rêvasser entre deux tasses de café.

Puis, j'essaye vraiment d'être forte.

Même si je sais que je suis complètement renversée. »