Chapitre 5

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Axel pila net. À l'arrière de la galerie, c'était un véritable atelier de peinture qu'il découvrait. Des chevalets par dizaines, des toiles entassées, qu'elles soient terminées ou semblent inachevées. Et des couleurs ! Tant de couleurs. Des dégradés de bleu, des roses vibrants, des ocres chaudes ; la noirceur des traits au fusain contrastait avec les explosions de rouge d'un coucher de soleil. Tout était prétexte à l'admiration, des paysages abrupts aux traits délicats des portraits, jusqu'aux éclaboussures plus abstraites qui entrainaient l'esprit à la réflexion.

Puis Axel réalisa que les pinceaux virevoltaient seuls dans les airs. Abasourdi, il recula d'un pas. Impossible ! C'était impossible, non ?

— Maitre Kenog Neir ? appela Itzal.

— J'arrive !

La voix était lointaine, nota Axel. Pourtant, il ne voyait pas où l'homme aurait pu se cacher.

Une porte claqua au fond de l'atelier, et Kenog Neir apparut, s'essuyant les mains sur un chiffon à la propreté douteuse et à la couleur indéfinissable. Des traces de peintures couraient jusque sur ses avant-bras, les manches de sa chemise avaient été roulées jusqu'aux coudes.

— Je ne vous attendais pas si tôt, Messager, salua le peintre.

Axel s'empressa de saluer à son tour. Qu'est-ce qu'ils étaient venus faire ici ?

— Itzal ! Ça faisait longtemps !

Axel se retourna, et cilla de surprise. Un autre Messager ? Pour qu'ils se retrouvent sur Niléa, si loin de la Porte, il s'agissait d'une sacré coïncidence. Néanmoins, les usages devaient être respectés, alors il s'inclina, poing sur le cœur.

Et sursauta de nouveau quand un Envoyé quitta l'ombre du Messager pour saluer Itzal. Une seule Barrette argentée brillait sur l'uniforme noir, il était plus jeune que lui, et Axel se souvenait parfaitement de son caractère détestable. Nicoleï Ardeen, du Clan des Montagnes du Sud.

Nicoleï le salua aussi, un sourire moqueur sur les lèvres. Une inclinaison bien moins marquée que pour le Messager Itzal – et c'était normal, Axel n'était qu'Envoyé, même s'il possédait trois Barrettes.

— Ishim ! Un plaisir, répondit Itzal.

— Et vous êtes donc Maitre Kenog ? reprit le Messager. C'est un honneur de faire votre connaissance.

— Ce sont donc les p'tits ? Ils ont déjà commencé à le sentir ?

Les deux Envoyés échangèrent un regard perplexe mais leurs Messagers acquiescèrent.

— Ils ont besoin d'apprendre le contrôle.

Axel brûlait de questions ; les poser maintenant serait trop impoli. Savoir que Nicoleï était dans le même état que lui était une faible consolation.

Kenog reporta son attention sur les deux jeunes. Ses yeux étaient d'un bleu profond, presque noirs, comme le cercle tatoué sur son front. Comme tous les Niléens, il avait la peau bleue, une teinte plus claire que leur aubergiste. Il portait un pantalon de travail noir, et un épais tablier, autrefois blanc, était noué à sa taille.

— Très bien. J'imagine qu'ils logeront chez Amélia ?

— Oui. Tout a déjà été réglé.

— Puis-je poser une question, Messager ?

Itzal sourit, et Axel comprit qu'il s'était montré trop impatient. Ses joues se colorèrent. S'humilier ainsi devant Nicoleï ! Il devrait vraiment apprendre à mesurer ses paroles.

— Je t'écoute.

— Je ne comprends pas la raison de notre présence ici, avoua Axel. Les Niléens sont de fabuleux artistes, mais...

— Vous n'êtes pas là pour apprendre à peindre, coupa Itzal. Mais pour maitriser votre Don.

— Le Vent, ajouta Ishim. Maitre Kenog sera votre formateur. Il va de soi que vous lui témoignerez autant de respect qu'à un Messager.

— Vous ne restez pas avec nous ?

Cette fois, ce fut Axel qui se permit un sourire en percevant les trémolos dans la voix de Nicoleï. Peut-être serait-ce la première fois qu'il se retrouverait sans chaperon.

Son sourire s'évanouit en songeant que sa liberté à lui allait s'encombrer d'un boulet. Il n'allait pas devoir s'occuper de Nicoleï, non ? Ce n'était pas une tâche qu'on confiait à un Envoyé. Un Émissaire, par contre... non, il ne l'était pas encore. Et ce n'était pas en ville qu'il aurait l'occasion de trouver un animal potentiellement réceptif.

Non, de toute façon, Itzal avait été clair, il était là pour apprendre à maitriser son Don du Vent. Avec Nicoleï en camarade, ce serait tout sauf une partie de plaisir, il le pressentait. Quant à ce Kenog... il ne le connaissait pas encore suffisamment pour le juger. Serait-il sévère ou plus tolérant ? Quelle liberté leur laisserait-il ? Axel ne se voyait pas rester enfermé toute la journée dans un local si réduit. Des jours sans voler ? Impossible ! Même leurs Messagers ne pouvaient se montrer aussi cruels.

— Ne t'inquiète pas, Nicoleï, répondit Ishim en lui ébouriffant les cheveux. Nous repasserons dès la fin de notre prochaine mission. J'espère que vous aurez accompli des progrès, d'ici là.

— Et vous n'aurez pas le temps de vous ennuyer, je vous le garantis, ajouta Kenog.

Axel frissonna. Peut-être allait-il bientôt regretter la discipline des Mecers...

Les Messagers leur assurèrent une nouvelle fois que tout se passerait bien, puis après avoir salué Kenog, ils prirent congés, et Axel et Nicoleï se retrouvèrent seuls.

Les Vents du DestinWhere stories live. Discover now