Chapitre 77

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Nicoleï se réveilla en claquant des dents. Ce froid ! Il faisait nuit noire.

Il avait de la chance de s'être réveillé. Il sauta au sol, secoua ses bras et ses ailes, fit quelques pas en montant les genoux. L'exercice, c'était le mieux pour se réchauffer. Sa machoire se décrocha dans un immense baillement alors qu'il poursuivait son effort. Oui, ça réchauffait, d'accord, mais il était si fatigué... et il avait si faim...

Son haleine se condensait en mince nuage blanc alors qu'il sautillait sur place. Il continua jusqu'à avoir le souffle court puis s'arrêta pour marcher lentement en cercle et fouilla ses poches. Il lui restait trois noix, ramassées la veille, un peu petites et noires mais qui feraient un petit déjeuner acceptable. Juste un peu précoce.

Il les brisa sous sa botte et savoura chaque bouchée avec délice, puis marcha jusqu'au petit ruisseau repéré la veille, se débarbouilla sommairement et but longuement. Quel dommage qu'il n'ait pu emporter son outre avec lui ! Il lui faudrait se débrouiller sans.

La nuit s'éclarcissait à l'approche du jour ; les terrestres n'en auraient pas eu conscience mais Nicoleï le percevait très clairement. Il continua à se réchauffer jusqu'à voir suffisamment bien pour nettoyer ses ailes des débris de branches et de feuilles accumulés pendant la nuit.

L'humidité se transforma en brouillard sous les premiers rayons de soleil. Ca n'arrangeait pas ses affaires, ça. Devait-il poursuivre à pieds ou gagner les cieux ? Difficile de savoir si ses ennemis avaient déjà abandonné la partie. Quelque part, il en doutait, même s'il aurait préféré le contraire. Dans le brouillard, il lui serait impossible de se repérer et s'il se mettait à tourner en rond il perdrait un temps précieux, peut-être même toute la faible avance gagnée la veille. Levant les yeux, il estima les risques. Les branches souples plieraient sur son passage, il devait juste éviter celles trop épaisses qui risqueraient d'abimer ses ailes, voire, de l'assommer s'il ne se montrait pas assez malin.

Il prit quelques pas d'élan, battit des ailes et décolla, se protégeant le visage lorsqu'il traversa les branches dépourvues de feuilles, aussis fines que des lanières de fouet. Enfin, il fut au-dessus des arbres, se gorgea de soleil. Comme la veille, la forêt s'étendait dans toutes les directions, aussi loin qu'il porte son regard, et le découragement le saisit.

Comment allait-il s'en sortir ?

Sois fort, Nicoleï, se morigéna-t-il. Ce n'était pas en s'apitoyant sur lui-même qu'il trouverait une solution.

Quelle direction avait-il suivi la veille ? L'est ? Il s'aida de la position du soleil pour s'orienter, espéra pour une fois qu'il soit rapidement caché par les nuages qu'il discernait dans le lointain. Voler avec autant de luminosité dans les yeux était désagréable.

Il maintint un rythme soutenu aussi longtemps qu'il le put mais la fatigue le fit ensuite ralentir. Les trois noix du matin constituaient un repas trop frugal pour un adolescent de seize ans. A regrets, il diminua son altitude pour chercher un endroit où atterrir. Ses muscles devenaient douloureux et à trop forcer il risquait une blessure.

Là, des saules. Ils indiquaient souvent la présence d'eau, peut-être d'un ruisseau. Il se glissa au travers des branches souples, les bras devant son visage, atterrit les pieds dans l'eau et manqua de glisser sur les pierres humides. Il jura en évitant la chute de justesse.

L'eau était glacée, il le sentait au travers de ses bottes, heureusement imperméables.

Il attendit que sa respiration se calme pour se désaltérer. Eraïm que c'était agréable ! Quel dommage que l'eau ne nourrisse pas.

Le cri d'un aigle perça les airs et il sursauta.

Le Compagnon de Kiren ? Il s'aplatit dans les buissons. Dépourvus de leurs feuilles, ils offraient une faible cachette mais c'était mieux que rien. L'avait-il suivi jusqu'ici ou cherchait-il un peu au hasard ? L'oiseau décrivit quelques cercles avant de partir. Nicoleï s'inquiéta. Impossible de repartir par la voie des airs, il lui fallait continuer à pieds – aussi lentement qu'un terrestre. Il s'efforça de voir le côté positif : il aurait plus de chance de trouver de la nourriture ainsi.

Les Vents du DestinOù les histoires vivent. Découvrez maintenant