Chapitre 71

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Enfin la ville de Samalan était visible. Le soleil était de retour après trois jours de pluie ininterrompue et des jours alternant pluie et soleil. Nicoleï se serait senti en pleine forme s'il n'avait eu pas l'impression que son uniforme était constamment humide. Pluie ou sueur, il préférait ne pas savoir. Un bon bain, c'était ce qu'il attendait par-dessus tout. Sa faim immense avait enfin fini par passer et la fatigue constante qu'il ressentait s'était atténuée. Mieux, il avait pu participer au relai de la formation et avait arrêté de sentir qu'il ralentissait tout le monde. C'était si désagréable d'avoir l'impression d'être un fardeau...

En tête, l'Emissaire Léo leva le pouce pour lui signifier qu'il avait vu la cité lui aussi. La rejoindraient-ils ce soir ? Nicoleï croisa les doigts. Difficile encore pour lui d'estimer les distances ; les plaines étaient traitres.

La nuit dernière, ils n'avaient pas trouvé d'arbres sous lesquels s'abriter et avaient dû dormir à la belle étoile.

Dans l'herbe mouillé, malgré la couverture pour les isoler du sol – après des jours d'utilisation, elle commençait à sentir la moisissure et n'était plus vraiment sèche – malgré ses ailes, il avait frissonné toute la nuit. Une horreur. Si seulement ils pouvaient dormir dans un vrai lit, ce soir...

D'accord, un Mecer n'était pas censé à penser à son petit confort, juste à sa mission. Mais quand même. Ils n'allaient pas finir en haillons, non ?

Un signe de Léo et Nicoleï poussa sur ses ailes pour prendre la tête de la formation. A lui de produire l'effort, maintenant, tandis que Léo glissant en fin de formation. Nicoleï adorait mener. Un Envoyé n'en avait pas toujours l'occasion alors là, il en profitait un maximum. Il accéléra, augmenta sa cadence. Un coup d'œil à sa droite pour vérifier que le Messager Ishim approuvait sa manœuvre puis il reporta son attention sur la ville, droit devant lui.

Si proche et si lointaine.

Il aurait aimé accélérer au maximum pour y arriver immédiatement, savait que c'était une illusion. Les Massiliens avaient une très bonne vue, il était certain qu'à leur place, un terrestre n'aurait pas encore discerné les remparts de la ville.

Et puis, que leur avaient répété les Messagers lors de leurs stages à l'Ecole des Mecers ? Les vols d'endurance n'étaient pas axés sur la vitesse. C'était sur les vents qu'ils devaient jouer pour optimiser leur vol, pas forcer sur leurs ailes.

Même s'il avait des plumes toutes neuves.

Le Messager commençait à remonter sur sa droite, alors à contrecoeur, Nicoleï se laissa descendre. Accepter de ne pas être toujours devant, c'était ça aussi, être un Mecer. Malgré son grade de Messager, Ishim ne dirigeait pas toujours les missions, parce qu'une mission ne devait avoir qu'un seul chef pour éviter des atermoiements inutiles. Même un Messager devait donc se mettre en retrait, parfois.

Il revint derrière Léo, la fatigue lui alourdissant soudain les ailes. C'était reposant de se retrouver dans l'aspiration de ses collègues et il réalisa qu'il en avait eu besoin. Peut-être même aurait-il du abandonner sa place un peu plus tôt, d'ailleurs. Bah, il aurait l'occasion de s'améliorer sur sa rotation.

Parce que même s'ils arrivaient à Samalan ce soir – demain au pire – il leur faudrait encore quadriller la forêt de l'Orgueux pendant des jours et des jours. Peut-être établiraient-ils un campement provisoire, d'ailleurs, pour se protéger des éléments. Ils arrivaient au nord du continent et Nicoleï avait bien senti les températures baisser à mesure de leur progression. Il avait même rajouté une autre couche de vêtement sous sa veste.

Ils plongèrent sous un nuage, se retrouvant dans l'ombre. Nicoleï frissonna avant de retrouver le soleil de l'autre côté. Dire que les terrestres rêvaient de traverser les nuages ! Il retint un rire. Le prochain qui lui demanderait, il lui accorderait cette faveur et ils en reparleraient après.

Les Vents du DestinWhere stories live. Discover now