Chapitre 46

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La colonne s'immobilisa, et curieux, Nicoleï tira à son tour sur les rênes. Des murmures remontaient le long de la colonne et il s'étira pour chercher à voir ce qui se passait devant. Tabatha lui avait dit qu'ils arrivaient à Fendal, un village niché au sein des montagnes, pas si loin du Pic du Rocher Fendu. Nicoleï s'était étonné de ne pas l'avoir vu en survolant les alentours.

Penser à ses ailes le fit grimacer. C'était bien pire que son bras inutilisable. Dire qu'il aurait pu s'affranchir de ces longues heures de route ! Ce qu'avait fait Axel était impardonnable.

L'air pâle, Tabatha s'approcha de lui. Nicoleï se souvint qu'elle avait été en tête de la caravane.

—Il n'y a plus rien, dit-elle, secouée.

—Quoi ?

Nicoleï s'avança, désireux de constater les choses par lui-même. Derrière le dernier lacet, le village s'offrit à ses yeux.

Enfin, ce qu'il en restait. Un cercle noir, presque parfait, au milieu d'une végétation intacte, c'était tout ce qu'il voyait. On ne pouvait même plus parler de ruines. Il n'y avait que des cendres.

Nicoleï frissonna. Il n'avait pas besoin du murmure de ses Vents pour savoir qu'Axel était à l'origine de cette action. Un feu naturel n'aurait pas été si destructeur. Si minutieusement contrôlé.

Axel. Qu'est-ce qui lui était arrivé ? Le jeune ailé agissait avec honneur, d'habitude. Et là... d'abord l'attaque, comme pour le tuer, puis ses ailes rabotées, et maintenant ça ?

C'était incompréhensible.

—Il y a des morts ? s'enquit-il comme Tabatha et Davier le rejoignaient.

—Difficile à dire, répondit Davier en fronçant les sourcils. Vu la puissance de l'incendie, si nous trouvons des ossements, nous aurons de la chance.

—Nous n'avons même pas vu la fumée, ajouta Tabatha.

—Les cendres sont froides. Le feu date de quelques jours. Certainement lorsque nous traversions la forêt des Cargues.

—Comment ont-ils fait pour se faire surprendre ainsi ? demanda Tabatha, à moitié pour elle-même.

—C'était Axel, souffla Nicoleï. Ils n'avaient aucune chance.

—Axel ? s'étonna Tabatha. L'Émissaire avec vous ?

—Oui, acquiesça Nicoleï. Il lui est arrivé quelque chose, mais je suis certain que c'était lui.

—Il parait que l'utilisation du Don se ressent, intervint Davier, curieux.

À contrecœur, Nicoleï hocha la tête. Le marchand en savait bien plus qu'il ne l'aurait dû, sur les Dons.

—Il a dû le faire pour camoufler sa piste, pour éviter que les villageois le trahissent en indiquant sa direction. Mais je peux suivre sa trace.

—Alors je vous accompagne, décida Tabatha. S'il peut nous mener à Solarys, j'en suis.

—Je peux vous laisser le poney et quelques provisions, mais pas davantage, dit Davier. Ma cargaison est trop précieuse pour que je puisse me permettre de prendre du retard.

—Je comprends. Merci pour tout, Synt.

—J'atteindrai Orein d'ici deux ou trois semaines. N'hésite pas à me faire parvenir un Courrier si tu as besoin de quoi que ce soit.

Tabatha hocha la tête.

—Je m'en souviendrai.

Nicoleï s'était avancé dans le village, tâtant la cendre par endroits. L'épaisseur était telle qu'il s'y enfonçait jusqu'aux chevilles. Tabatha se rapprocha.

—Tu es vraiment sûr qu'il s'agit de son ami ?

—Certain.

—Il ne m'avait pas paru si... vindicatif.

Nicoleï pinça les lèvres.

—Ce n'est pas dans son caractère. Il est horriblement sérieux et plutôt pacifiste. Pour un Mecer, s'entend, précisa-t-il au vu de son regard sceptique. Il aurait eu plein d'occasions de régler ses problèmes avec un duel, il a souvent préféré discuter.

—Et si ce n'était pas lui ?

—Impossible. Je vous l'ai dit. Je sens sa trace. C'était un feu magique.

—Mais, s'il n'avait pas agi seul ? Si c'était Solarys ?

—Solarys ? fit Nicoleï, dubitatif. Je n'ai rien vu de Solarys jusqu'à présent. Axel était seul quand il m'a attaqué.

—Vous vous étiez séparés, si j'ai bien écouté, pointa Tabatha.

—Certes, reconnut Nicoleï de mauvaise grâce.

—Et il était changé.

Vrai que présenté comme ça... Axel avait-il croisé la route de Solarys sans l'en avertir ? Cela lui paraissait peu probable et d'un autre côté, cela restait possible. Nicoleï grimaça. Il détestait les coïncidences, mais parfois, il n'y avait pas le choix.

Il voulait croire à l'intuition de Tabatha, préférait attendre une preuve. Il ne voulait pas croire à la culpabilité d'Axel, même si tout se liguait contre lui. Axel n'était pas comme ça. Il agissait avec honneur.

Que lui était-il arrivé, pour qu'il en arrive à de telles extrémités ?

Les Vents du DestinWhere stories live. Discover now