Chapitre 89

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La Bénie était étendue morte à ses pieds, et Axel ne pouvait se défaire d'un sentiment de malaise. Elle n'avait même pas été armée, et il l'avait tuée. Était-ce seulement honorable ? La scène repassait en boucle dans son esprit. Son air digne, le menton haut, la totale acceptation de son destin. Pourquoi avait-il fallu en arriver là ?

— Ne t'en veux pas trop, dit doucement Alistair. Elle était dangereuse, et c'était le seul moyen de libérer les villageois de son emprise.

— J'espère que je ne me suis pas trompé, répondit Axel en frissonnant. Si je l'ai tuée pour rien... est-ce vraiment une si bonne chose de se fier au plus grand nombre de gens que l'on sauve ? Ne méritait-elle pas une chance de rédemption, elle aussi ?

Alistair haussa les épaules.

— Elle aurait pu nous expliquer comment modifier leur filtre, leur potion, appelle-ça comme tu veux. Elle a eu une chance, et elle a refusé de s'en saisir. Je le vois ainsi.

Ton cousin dit vrai, intervint Telclet. J'en ai tué trois, et je ne regrette rien.

Axel voulut lui rétorquer que ce n'était pas pareil mais aucun argument digne de ce nom ne lui vint à l'esprit. Les serpents des Vents étaient des prédateurs, après tout.

Toi aussi. Je n'ai pas tué pour me nourrir. J'ai tué pour vous. Et je perçois que ça te rend encore plus mal à l'aise.

Oui. Je n'avais jamais... c'est la première fois que je tue quelqu'un de sang-froid.

Alistair posa une main sur son épaule.

— C'est parce que ça nous fait quelque chose que nous ne sommes pas des monstres. C'est une bonne chose, aussi, de ne pas trouver normal de tuer des gens qui ne sont pas d'accord avec nous. Ca prouve que tu es humain.

— J'espère bien ne jamais trouver ça normal, marmonna Axel en réponse.

J'ai réussi à joindre Otal, dit alors Telclet, tout guilleret. Ca a marché ! Ils ont repris leurs esprits !

Une vague de soulagement déferla sur Axel. Son acte avait peut-être sali son âme, mais elle avait sauvé des gens.

Autour d'eux, des Miliciens gémissaient, bougeaient doucement. Alistair s'approcha d'eux pour les aider. Les même qu'il avait précédemment assommés. Un comble.

Partout, Axel entendait des murmures d'incompréhension et d'étonnement. Certains étaient sous emprise depuis des mois, d'autres depuis des années, avaient l'impression de se réveiller d'un rêve étrange.

Axel n'avait pas le cœur à leur dire que leur rêve avait été bien réel. Ils découvriraient bien assez tôt les actes horribles que les Bénis les avaient obligés à faire. Comment vivraient-ils avec ça ?

Comme toi avec ta culpabilité, dit Telclet. Ils apprendront.

— Ils commencent doucement à comprendre, dit Alistair qui revenait vers lui. Léander dit qu'il va envoyer Nicoleï récupérer Ishim, Léo et Kiren.

— Il le mérite, approuva Axel. Je suis content qu'il n'ait rien. Et puis...

Il s'interrompit. Ne venait-il pas de sentir... quelque chose ? Un grondement venu des profondeurs, une ondulation qui secoua la terre. Leurs ailes se déployèrent tandis qu'ils luttaient pour rester debout.

— Qu'est-ce que...

Une silhouette ondulante attira son attention. Des blessures de la Bénie s'échappait une sorte de fumée noirâtre. Non, pas de la fumée. Quelque chose qui prenait corps. Qui se nourrissait de sa dépouille.

Les Vents du DestinWhere stories live. Discover now