Chapitre 8

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Le lendemain matin, Axel s'éveilla, hagard, avec l'impression d'avoir un trou béant à la place de son estomac. Il avait tellement faim ! Il aurait presque tué pour une brioche. La faim l'avait tenu éveillé une bonne partie de la nuit, et s'il en croyait les mouvements de Nicoleï, ça avait été pareil pour lui. Eraïm leur vienne en aide ! Il espérait que Kenog revienne sur sa décision. Il avait soif, il avait faim, et il n'aurait pas été contre un bon bain chaud. Ses habits humides de rosée lui collaient à la peau.

Voir que Nicoleï n'en menait pas large était une maigre consolation. Les cheveux blonds en bataille, Nicoleï bailla à s'en décrocher la mâchoire, avant de le gratifier d'un regard noir. Comme si c'était de sa faute !

La porte cliqueta avant de s'ouvrir, attirant toute leur attention.

Le visage souriant, rasé de près, le tablier impeccable, maitre Kenog fit quelques pas dans leur direction, balaya le jardin du regard. Les feuilles jonchaient toujours le sol – il ne s'était pas attendu au contraire – et les deux jeunes affichaient un air suffisamment contrits pour qu'ils aient compris qu'on ne plaisantait pas avec lui.

— Vous pouvez entrer petit-déjeuner, dit-il. Ensuite, vous ramasserez les feuilles avec le râteau, histoire que vous n'y passiez pas la journée, et quand vous aurez terminé, nous discuterons de vos leçons.

— Entendu, maitre Kenog, saluèrent-ils.

Le peintre dissimula un sourire. Peut-être finirait-il par en tirer quelque chose. Après tout, les Massiliens étaient réputés pour leur discipline et leur honneur. Kenog les fréquentait peu ; il appréciait leur combattivité qui avait permis de repousser les soldats impériaux puis les Stolisters du sol des Douze Royaumes. Néanmoins, leur compréhension de l'art laissait à désirer. Qu'attendre d'autre de guerriers ?

Les deux jeunes massiliens se restaurèrent avec appétit ; à croire qu'ils avaient jeûné bien plus qu'une soirée. Enfin, de point de vue-là, les jeunes étaient tous pareils. Manger, manger, manger, comme si c'était la seule chose qui comptait.

Ensuite, il supervisa leur travail. Évidemment, avec un râteau, et l'enthousiasme de la jeunesse, il leur fallut moins d'une heure pour que l'herbe soit impeccable.

— Bien. J'espère ne plus avoir à vous répéter de suivre mes consignes à la lettre ?

— Nous vous obéirons, dirent les deux Envoyés avec enthousiasme.

L'avantage des Massiliens, c'est qu'ils tenaient à leur parole. Surtout quand on leur avait précédemment montré les conséquences d'une désobéissance.

Peut-être aurait-il dû prévoir qu'une fois leurs Messagers partis, les deux jeunes se sentiraient pousser des ailes. Il ricana. Se sentir pousser des ailes, alors qu'ils en possédaient !

Cette fois, il allait rester avec eux. Lorsqu'ils eurent plus ou moins pris conscience du centre de leur pouvoir, il leur fit générer une légère brise. Évidemment, ce fut plus une bourrasque pour le plus jeune, qui s'excusa aussitôt, mais son compère ne fit pas mieux, en l'accompagnant d'un ruban de flamme.

Kenog soupira. De vrais débutants ! Mais il était passé par là. Et quelque part, ils avaient réussi. Ils avaient invoqué le Vent. Alors, il leur adressa un sourire.

— C'était pas mal du tout. Maintenant, l'étape suivante.

La joie qu'il lut sur leur visage était palpable. Il aurait presque pu se sentir coupable de leur annoncer la suite. Presque.

— Nous allons travailler votre créativité. Désormais, vous utiliserez votre Don pour tout. Ouvrir une porte, faire votre lit, porter la nourriture à votre bouche. Tout.

Leurs mines déconfites valaient tout l'or du monde.

—Mais...

— C'est ainsi, coupa Kenog. Croyez-moi, c'est la meilleure façon pour progresser. Vous devez comprendre que votre Don fait partie de vous.

— N'est-ce pas dangereux ? questionna Axel. Nous pourrions casser des objets, blesser des gens...

Kenog haussa les épaules.

— Je ne vous ai pas vu embrocher quiconque avec votre canif. Soyez prudents, faites attention, et tout se passera bien.

Les Vents du DestinWhere stories live. Discover now