Chapitre 45

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Tabatha resserra sa cape sur ses épaules, d'un claquement de langue fit accélérer sa jument pour rattraper la caravane. Elle avait hésité à se rendre seule au Pic du Rocher Fendu, mais quand elle avait su qu'une caravane de marchands quittait Tikal en même temps qu'elle pour rejoindre Orein, de l'autre côté des montagnes de la Colonne, elle s'était dit, pourquoi pas ? En tant qu'Archère, elle avait proposé ses services : du coup, elle se retrouvait payée pour un voyage qu'elle comptait faire ! Ce n'était pas si courant, d'allier ses projets personnels à une bourse bien remplie.

Elle connaissait bien Synt Davier, qui dirigeait la caravane. Il connaissait toutes les pistes de Niléa, savait optimiser ses trajets. Avec leurs poneys trapus, ils traverseraient les montagnes sans souci, leurs poils épais les protègeraient du froid. Pas de chariots, pas d'attelage ; leurs marchandises étaient transportées dans de larges paniers de bat sur les poneys. Ils iraient aussi vite que possible.

Tabatha savait que Davier ne se contentait pas de transporter de simples tissus. Ce qui l'intéressait, c'était le beau, l'exceptionnel, le rare. En cela, il était un Niléen pure souche. Il n'avait fallu que quelques heures à Tabatha pour comprendre que cette fois, la marchandise était vivante. Pour l'instant, elle avait tu sa curiosité, remisant son inquiétude : il ne s'agissait pas d'êtres humains, ça, elle le savait. Pour le reste... Tabatha n'était pas une spécialiste des règles commerciales, mais elle doutait que ce commerce soit tout à fait légal. Et cela ne l'étonnerait qu'à moitié, si Synt flirtait avec la légalité.

Le temps s'était rapidement dégradé ; ils avaient à peine quitté Tikal quand la pluie était apparue, fine bruine insistante qui s'était transformée en gouttes plus épaisses au fur et à mesure que la journée avançait. Frigorifiés avec le vent qui soufflait en rafales, ils avaient vaillamment progressé, bien décidés à avancer un maximum malgré tout. De temps en temps, Tabatha avait levé les yeux, à la recherche de silhouettes ailées. Elle avait cru les apercevoir quand ils avaient pris le départ, mais ils progressaient bien trop vite pour être encore visibles. Ce soir, ils auraient parcouru la moitié de leur trajet dans qu'ils n'en seraient même pas au quart.

Tabatha s'était obligée à rester vigilante. Dans ces conditions, elle avait décordé son arc, peu désireuse de l'exposer aux éléments. Là, aux abords de Tikal, alors qu'ils côtoyaient des champs et de petits villages, elle savait qu'ils ne risquaient pas grand-chose. La Fédération avait beaucoup fait pour sécuriser les routes, néanmoins, il restait des poches de brigands çà et là, raison pour laquelle il était mieux d'être armé et en groupe pour dissuader les agresseurs.

La pause de la mi-journée avait surtout servi à désaltéré les bêtes, tandis qu'ils avalaient rapidement quelques tranches de pain garnies de jambon sec et de crudités.

Et ils étaient repartis à un bon rythme. C'était tout aussi bien, songea Tabatha, parce que même si la pluie s'était arrêté un peu après midi, l'humidité était présente, et le vent renforçait la sensation de froid.

Le lendemain, le paysage avait commencé à changer. Plus vallonné, une végétation plus sauvage, bien moins d'habitations. Les arbres étaient rares, dans ces plaines, plantés çà et là, presque au hasard, et Tabatha ne pouvait s'empêcher de s'imaginer Eraïm en train d'observer son œuvre et de rajouter des arbres pour fignoler les détails.

Au sixième jour, ils avaient pénétré la forêt des Cargues, au pied des montagnes de la Colonne. Un soulagement, car le vent s'était fait glacé, et en être protégé était appréciable. Sous les frondaisons, ils étaient à l'abri du gel matinal, et l'humus formait un tapis moelleux sous leurs couvertures.

Ils parlaient peu, économisant leur souffle. Davier leur imposait un rythme intense, et ses six compagnons n'y trouvaient rien à redire. Tabatha était impatiente de rejoindre le pic du rocher Fendu. Encore trois jours, estima-t-elle au vu de leur allure. Les Mecers qu'elle avait brièvement accompagnés devaient déjà avoir fait leur repérage et s'ils avaient regagné Tikal, elle les avait ratés dans le ciel.

Les Vents du DestinWhere stories live. Discover now