Chapitre 14

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Nicoleï s'éveilla en sursaut. Les gouttes d'eau tambourinaient sur les volets, formant un bruit de fond propice à la méditation, mais il n'avait d'yeux que pour le lit vide à côté.

Axel n'était donc pas rentré.

Une boule d'angoisse lui noua la gorge et les larmes montèrent à ses paupières. Eraïm le garde, que devait-il faire ? Où était donc Axel ? Il ne pouvait pas avoir simplement disparu comme ça, c'était impossible !

Peut-être devrait-il d'abord tenter de nouvelles recherches. Enfin, dès que la pluie cesserait de tomber. Il frissonna. Non, la pluie ne l'empêcherait pas de retourner sur les lieux. Il lui devait bien ça.

Son ventre gargouilla, lui rappelant qu'il n'avait avalé qu'un potage, la veille. Il n'avait pas faim, pourtant. Mais s'il devait sortir par ce temps, il lui fallait prendre des forces.

Nicoleï se leva, fit son lit, et ouvrit l'armoire. Sur l'étagère de gauche, les vêtements d'Axel étaient encore là, parfaitement empilés. Il les effleura du doigt, pour confirmer leur réalité, puis se tourna vers ses propres affaires. Un deuxième t-shirt de dessous ne serait pas du luxe s'il restait longtemps à l'extérieur. Dans son sac de cuir huilé, il glissa ses affaires de rechange. Autant être prévoyant. Il disposa le bagage entre ses ailes, le noua sur sa poitrine. Parfait. Il n'avait plus qu'à descendre déjeuner.

Dame Amélia était déjà là, s'essuyant les mains pleines de farine sur son tablier blanc. Elle préparait une tarte aux pommes, et d'autres étaient en train de cuire, s'il en jugeait par l'odeur alléchante en provenance des cuisines.

— Le bonjour, Nicoleï, salua-t-elle.

— Bonjour, répondit-il poliment en s'inclinant, poing sur le cœur.

Même si son Messager était absent, il devait représenter les Mecers de son mieux. Et si Amélia trempait dans ce complot, autant donner le change.

— Auriez-vous de quoi me préparer un déjeuner ?

— Tu comptes sortir par ce temps ? s'étonna-t-elle.

Nicoleï haussa les épaules, s'efforça de paraitre nonchalant.

— Maitre Kenog nous a demandé de nous entrainer dur. Je ne veux pas le décevoir.

Amélia hocha la tête.

— Brave petit. Installe-toi dans la salle, Caria va t'apporter le petit-déjeuner le temps que je te prépare un panier.

Nicoleï s'inclina de nouveau, plus pour cacher son enthousiasme que par politesse.

— Merci beaucoup.

Il se plaça à une table près de la cheminée, déterminé à engranger le plus de chaleur possible. Le sol venait d'être balayé, et de sa position, il avait une vue parfaite sur la porte et sur les cuisines. Une mise en pratique des conseils du Messager Ishim. Toujours avoir une vue sur la sortie, toujours surveiller ses arrières.

Eraïm qu'il avait hâte de passer à l'action !

Nicoleï se morigéna aussitôt. L'Impatience était le premier des défauts à perdre, la clé de l'obtention de la première Barrette. Il venait de l'obtenir et aurait dû se souvenir des bases. Il s'obligea à prendre une grande inspiration pour se calmer.

Réfléchis, Nicoleï.

Personne d'autre que lui ne semblait trouver bizarre la disparition de Maitre Kenog et d'Axel. C'était donc à lui d'agir.

Caria lui présenta une assiette garnie avec un sourire, et il la remercia en s'efforçant de ne pas rougir. Une omelette roulée aux champignons, artistiquement découpée pour représenter une fleur. Quelques brins de persil étaient disposés sur le plat, et il sentait que leur place n'était en aucun cas due au hasard. Le petit pain sur le bord de l'assiette était en forme de poisson. Nicoleï retint un soupir. Les Niléens étaient irrécupérables.

Il attendit qu'elle s'éloigne pour commencer à manger. Surtout, prendre son temps. Après tout, il n'avait aucune raison d'être pressé. Son repas terminé, il s'essuya la bouche, plia consciencieusement sa serviette. Les Niléens s'arrêtaient à ce genre de détails. Il remercia Amélia pour sa délicieuse cuisine, et après un dernier regard résigné à la pluie intense, quitta l'auberge.

La pluie le détrempa en quelques minutes, et Nicoleï se félicita d'avoir sa cape pour garder ses plumes au sec. Cette fois, il avait pris le temps de mémoriser le trajet jusqu'à l'atelier de Maitre Kenog. Lorsqu'il voulut entrer, toutefois, il trouva porte close. Nicoleï jura et colla son visage contre la fenêtre. Malgré la buée qui se formait sur le carreau, il était clair que la pièce était vide. Il inspira un grand coup. Son dernier espoir que tout redevienne normal s'évanouit.

Et une longue marche l'attendait désormais. Impossible de voler sous ce déluge. Il fit demi-tour, gagna la porte, quitta la cité. D'un geste, il essuya l'eau qui ruisselait sur son visage, rabattit encore un peu plus la capuche sur son visage. Eraïm, dans quelle galère s'était-il fourré !

Peut-être ne méritait-il pas cette première Barrette dont il était si fier. Jamais il n'aurait dû réagir si impulsivement. Et maintenant, il était peut-être déjà trop tard. Il pataugeait au milieu des herbes hautes, cherchant l'endroit où Axel avait disparu. Il restait forcément des traces, quelque chose, un indice !

Hélas, comme il s'y attendait, la pluie avait transformé le terrain en surface boueuse. Du feu qui avait séché ses affaires, il ne restait qu'un amas de cendres, un peu de noir au milieu de la boue.

Hébété, il se laissa tomber à genoux. Son regard s'attarda sur les herbes qui ployaient sous l'averse. Il n'y avait rien. Pas d'empreintes reconnaissables, pas de traces de luttes visibles. N'avait-il pas déjà regardé, la veille ? Il n'était peut-être qu'Envoyé mais il avait déjà pris part à des combats. Ishim lui avait demandé plusieurs fois de « lire » les évènements à partir de faibles indices. Là, il n'y avait juste rien. Axel était-il parti de son plein gré ? Avait-il fui en l'abandonnant, sans même le prévenir ? Nicoleï n'y croyait pas. Axel avait bien des défauts à ses yeux, mais il devait reconnaitre qu'il était sérieux. Parfois un peu trop, même.

Non, il devait se faire une raison. Axel avait été enlevé. Et c'était à lui de prévenir sa famille.

Nicoleï se releva, frissonna dans son uniforme mouillé. Les ravisseurs avaient-ils su qu'il était présent ? Il ne devait pas négliger qu'il était peut-être devenue une cible à son tour. Axel n'était pas n'importe qui, sa disparition ne passerait pas inaperçue, sauf s'il s'agissait d'un malheureux accident.

Il aurait tout le loisir de réfléchir en chemin.

Car Nicoleï ne comptait pas revenir à Orein. Il y était peut-être attendu. Amélia était peut-être complice.

Il se méfiait de tout le monde.

Nicoleï ajusta sa cape, doutant que le cuir supporte une nouvelle journée sous la pluie. Il n'avait plus le choix. Il gagnerait la ville de Tyrel, à l'est, et enverrait un message par Courrier. La situation lui échappait : il avait désespérément besoin d'aide.

Les Vents du DestinWhere stories live. Discover now