Chapitre 26

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Abasourdi, Nicoleï regarda Axel s'écrouler sur le sol, en un tas de plumes éparses, sans qu'aucun des Messagers ne réagisse. Pas plus que le Veilleur. Pire, ils semblaient mécontents !

— Axel !

Nicoleï s'élança vers lui, aperçut une étrange bestiole près de lui. L'avait-elle attaqué ? Il dégaina, sans même ralentir. Si la créature avait tué Axel, il vengerait au moins sa mort.

Une poigne de fer intercepta son bras alors qu'il armait son geste ; Nicoleï couina, sous la surprise plus que la douleur. Sa main s'ouvrit sans qu'il ne le lui demande et l'épée qu'elle tenait glissa au sol.

— Une réaction impulsive, s'amusa le Veilleur. Quelque peu disproportionnée, elle aussi.

Nicoleï rougit d'embarras.

— Mais la créature... elle lui a fait quelque chose, non ?

— Tu es observateur, concéda Lucas. Elle l'a empêché de faire une bêtise.

Le Veilleur lâcha son bras, et Nicoleï en profita pour récupérer prudemment son épée. Désireux d'éviter tout malentendu, il rengaina, mais après un coup d'œil vers le Messager Ishim, approcha d'Axel.

— Il respire, murmura-t-il.

Sur son cou, il avait une marque, un rond d'un rouge vif où deux petits trous étaient visibles.

— Pourquoi suis-je le seul à m'en inquiéter ? osa demander Nicoleï.

Contre toute attente, Lucas sourit.

— Cette créature, comme tu dis, est un serpent des vents. Surtout, il s'agit de son Compagnon.

Nicoleï en oublia presque de respirer. Alors c'était ça la clé ! Il n'arrivait pas trop à déterminer s'il était heureux pour Axel ou jaloux. Envieux, c'était certain.

Et ça signifiait aussi qu'Axel devenait Émissaire, le devançant désormais franchement au sein de la hiérarchie qui régissait les Mecers.

— Tu peux rester auprès de lui, si tu le souhaites, reprit le Veilleur. Nous devons encore nous occuper de Solarys et de ce qui s'est passé dans ce village.

Dès que Solarys comprit qu'il ne s'en tirerait pas à si bon compte, il chercha à fuir. Un imposant panthirion jaillit devant lui. Pris de panique, le guérisseur hurla et fit demi-tour, pour se heurter à une panthère. Trois autres félins surgirent du couvert des arbres pour encercler les villageoises et Solarys.

Pâles et effrayées, les jeunes femmes se serraient les unes contre les autres, cherchant du réconfort. Solarys se savonnait nerveusement les mains, agité de tremblements compulsifs.

— Je vous assure, Veilleur, c'est un terrible malentendu...

— Je ne crois pas, non. Vous allez devoir répondre de vos actes, Solarys. Où sont les autres ?

— Les autres ? pâlit-il. Je ne vois absolument pas de quoi vous parlez.

— Vraiment ?

Le ton glacé du Veilleur fit frissonner Solarys.

— Laissez-nous nous occuper de lui, intervint le Messager Itzal, resté en retrait.

Découvrir Axel en vie avait été un soulagement ; voir ce qu'il était devenu l'avait attristé. Ce Solarys avait sa part de responsabilité, c'était une certitude. Axel avait toujours été un jeune homme sérieux, plein de bonne volonté, enclin à faire confiance. Se faire trahir de la sorte avait eu un effet destructeur. Avec une pointe de tristesse, il réalisa que leur relation ne serait plus jamais la même. Axel n'était plus un Envoyé, n'était plus son élève. Il avait pris son envol, et il n'avait pas été là pour en être témoin.

— Nous ne le tuerons pas sans t'en avertir au préalable, jugea-t-il utile d'ajouter.

Lucas hocha la tête.

— Les lois de la Fédération le protègent. Il a droit à un procès équitable.

— Et que ferons-nous des jeunes femmes ? Innocentes victimes manipulées, ou complices ? ajouta le Messager Ishim.

Lucas pinça les lèvres.

— Il faudra vérifier tout ça, oui. Je crains que ce village ne soit que la partie visible de l'iceberg...

— Axel a besoin de toi, pour le moment.

— Très bien. Je compte sur vous pour me tenir au courant. Je m'arrêterai à Orein pour vous envoyer des renforts.

Itzal acquiesça, puis sourit.

— Ils ne bougeront pas d'ici, nous les avons à l'œil.

Le Veilleur se saisit d'Axel, toujours inconscient. Ses ailes pendaient mollement, trainant sur le sol. Il était plus lourd que dans ses souvenirs ; Axel n'était plus un enfant, c'était un adulte accompli. Curieux, le serpent des vents voletait autour de lui.

Il veut savoir où nous emmenons Axel, dit Iskor.

Orein, dans un premier temps. Nous accompagnera-t-il ?

Il préfère être présent, oui.

T'a-t-il indiqué comment son poison fonctionne ?

Il l'a plongé dans un profond sommeil. Il n'a mis qu'une faible dose pour ne pas le tuer, mais il serait préférable que nous consultions un Guérisseur. Un vrai, pas un charlatan comme ce Solarys, ajouta Iskor avec une pointe de dédain.

Orein est une ville d'importance suffisante pour abriter un dispensaire soctorisien. Nous aviserons là-bas, dans ce cas.

Le Lien conférait un surcroit de force ; sans lui, Lucas aurait douté d'avoir la force suffisante pour s'envoler avec le poids d'Axel. Il plia les jambes, puis d'une brusque détente, gagna les airs.

Le trajet lui donnerait du temps pour réfléchir.

Les Vents du DestinWhere stories live. Discover now