CHAPITRE 3 - entre chien et loup

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Je sursaute

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Je sursaute. Je ne sais pas s'il existe de plus belle phrase, s'il existe des mots qui me toucheraient plus que ceux-ci. Pourtant, ils sont façonnés par des lèvres étrangères, que je n'ai aperçues qu'une unique fois auparavant.

Un roucoulement interrompt ce moment suspendu. Je tourne la tête, imitée par cette inconnue aux pupilles scintillantes. Une créature de plumes grisâtres nous observe. De sa démarche bancale, il s'approche vers nous. Ses yeux comme des gouffres sans fin nous scrutent avec une lueur intriguée. Nos yeux fixés sur ses plumes sales. Nos souffles, suspendus.

Soudain, il s'envole. Nous le regardons s'enfuir dans cette infinité ocre. Ses ailes s'évaporent dans ce ciel flamboyant. L'instant est étrange, surréel. L'énigmatique adolescente me tend la main, un immense sourire gravé sur son visage. Elle a deux petites fossettes, même si celle de gauche est un tout petit peu plus prononcée.

Je serre ses doigts fins entre les miens après une courte hésitation.

— Céleste, enchantée ! pépie-t-elle.

Céleste... Si évocateur, un magnifique prénom. Des étoiles. Une nuit calme. Un ciel d'été. Une brise rieuse qui virevolte entre les nuages qui enlacent les étincelles dans ce calme. Pas un bruit, ou une délicate mélodie. Le temps arrêté.

Un instant.

Céleste. Un mot magique, un univers entier.

Je rends son sourire, à cette petite galaxie.

— Je suis Cyrielle, ravie aussi.

— C'est pas ordinaire, pas vrai ?

Je hausse les épaules.

— Si tu le dis, murmuré-je.

— On s'assoit ? propose-t-elle avec un air malicieux.

J'acquiesce. Sans plus dire un mot, je remets mon dos contre l'herbe humide, pieds tendus vers la cime. J'ai toujours trouvé que l'excès de phrases était une habitude désagréable, malheureusement très courante.

Céleste s'efforce tant bien que mal d'imiter ma position. Ses jambes nues frottent contre l'écorce dans un glissement qui me semble résonner plus qu'il ne le devrait dans ce crépuscule déconcertant. J'ai l'impression que cette fille serait du genre à s'horrifier si ses vêtements sont tachés. Or, elle porte une salopette. Claire.

Je me demande si elle sera tachée lorsqu'elle se relèvera. Je l'espère presque. J'aimerais voir comment est ce visage si sage avec différentes émotions peintes dessus.

Cette pensée m'arrache un sourire. Je ferme les yeux et m'apprête à remettre mes écouteurs lorsqu'elle fit éclater notre bulle de silence :

— Tu sais, je trouve que les prénoms sont très impersonnels. Tout le monde peut connaître mon prénom, même de parfaits inconnus. Tu vois ?

— Tout dépend du point de vue. Mon prénom sonne différemment en fonction de qui le prononce. Il a une saveur agréable dans la bouche des gens que j'aime, dis-je.

— Pas faux... Mais les surnoms sont cachés, secrets. Je préfère les surnoms, ils sonnent intimes. J'aime ça, chuchota-t-elle.

— En général on donne des surnoms aux gens qu'on connaît...

— On peut dire qu'on a un peu fait connaissance, non ?

Son espièglerie emplit sa voix, et je sens son sourire dans ses paroles.

— Si ça te fait plaisir...

— Je me doutais que ça t'enthousiasmerait ! Donc, ton surnom...

Elle marque une pause. Je tourne la tête pour la regarder réfléchir. Ses sourcils se froncent, elle scrute le firmament, comme si elle demandait de l'inspiration à la lune.

— Etoile ?

Je hausse les épaules avec indifférence.

— Neptune ? En tout cas il te faut quelque chose qui se balade dans le ciel.

Je souris. Elle réfléchit.

— Nuage, ça te va bien, conclut-elle.

— Oui, je pense que c'est ce qui me représente le mieux. C'est rêveur, un nuage. J'aimerais bien être un nuage pour nager dans le ciel.

— Tiens, une poète, souffle-t-elle. Dis-moi Nuage, tu ne voudrais pas me trouver un surnom, toi aussi ?

— Si, Etincelle.

J'ai à peine réfléchi. Le mot est sorti tout seul. Pour ses yeux, sa voix et son attitude. Elle tourne la tête vers moi avec un air interrogateur.

— Parce que c'est comme ça, répondis-je à sa question silencieuse.

J'appuie sur l'écran de mon téléphone pour lancer la musique, puis je ferme les yeux en baillant.

— Qu'est-ce que tu écoutes comme musique ?

Pour seule réponse, je lui tends un de mes écouteurs. La guitare résonne dans nos oreilles. La quiétude s'emmêle entre nous, nous capture dans ses filets de rubans soyeux.

Je me demande pourquoi : pourquoi je suis allongée à côté d'une personne que je ne connais pas ? Pourquoi elle m'a parlé, pourquoi je lui ai répondu ? Pourquoi la nuit est tombée si vite, pourquoi être ici est si apaisant ?

Cette mélodie que je connais si bien, elle devient magique sous le regard des astres.

Je suis heureuse. Je ne veux pas que ce moment s'arrête.

Les étoiles apparaissent dans le ciel.

Des étincelles entre les nuages.

Nuages et étincellesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant