CHAPITRE 17 - être vide

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Je regarde les larmes amères rouler sur mes chaussures

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Je regarde les larmes amères rouler sur mes chaussures.

Vide, vide, vide.

J'avise mon téléphone. Raphaëlle n'a pas répondu.

Vide, vide, vide.

La porte s'ouvre derrière moi, et un courant d'air frais entre en même temps que mes parents

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La porte s'ouvre derrière moi, et un courant d'air frais entre en même temps que mes parents. Je jette un œil à l'heure. Vingt-et-une heure. Je soupire. Ils rentrent de plus en plus tard. Je sers le repas que j'ai rapidement concocté tandis que mes géniteurs se débarrassent de leurs manteaux.

— Comment était ta première journée de cours Ciellette ? demande ma mère en réprimant un bâillement.

— Très bien, éludé-je. Et votre journée ?

— Très bien, éludent-ils.

Le repas se ponctue de soupirs et de mastications. La conversation se limite aux félicitations pour la cuisson des légumes ou des pommes de terre. Aussitôt mon plat terminé, je monte dans ma chambre. Elle est désordonnée.

Je la balaie du regard, à défaut d'avoir l'énergie de le faire réellement. Un détail capte mon attention. La veste de Céleste, pendue sur ma chaise de bureau. Elle a dû l'oublier ici la dernière fois qu'elle est venue. Je m'avance, emplie d'une appréhension étrange.

Je la prends entre mes mains.

Je respire son odeur. Je plonge mon nez dans le tissu. Son parfum me pique les yeux et des larmes s'en écoulent comme la dernière caresse que Céleste m'offrira. Je m'effondre sur mon lit, désœuvrée. J'enfile la veste. Je ne veux pas rester ici, à macérer dans de sombres idées.

Je me lève. Je sors. Je claque la porte.

J'entends mon père l'ouvrir derrière moi pour m'appeler, me demander ce que je fais. Mais je ne l'écoute pas.

Je suis vide, vide, vide.

Ou j'aimerais l'être.

Je suis saturée, saturée, saturée.

Je m'efforce de regarder les gens qui passent, de penser à autre chose. Mais leurs pas sont trop rapides, leurs sourires trop brillants, leurs yeux trop grands, leurs habits trop criards, leurs voix trop aiguës, leurs rire trop perçants.

Le bruit de mes pas s'inflitrent dans mes oreilles et martèlent mon esprit. Les klaxons hurlent après moi. Une fois de plus, mes jambes me mènent. Une fois de plus, je fixe cet arbre.

Notre arbre.

Le soleil commence à peine à se coucher.

Les branches se courbent et s'enlacent au-dessus de ma tête. La lumière de l'astre traverse les feuilles pour brûler mon visage en un éclat verdâtre. Les feuilles bruissent. Les dernières chaleurs du mois ruissellent sur mon visage.

Les fleurs éclatantes se fanent. Les mille couleurs de l'été commencent à se délaver. Le bleu du ciel a perdu de sa clarté. De sa pureté. Il n'y a pas de musique dans mes oreilles. Je suis partie sans rien emporter. Sans rien emporter d'autre que tout ce vide.

Le temps s'écoule au ralenti. Je songe à ces mois que je vais passer enfermée dans une salle de classe. Je pense aux saisons qui filent. Je pense aux années qui s'étirent en vitesse. Je pense à ces tables similaires, à ces amis. À Celia, aux mots qu'elle m'a lancés. Je pense à l'écriture. Je pense à Olympe. Je pense à Raphaëlle.

Les feuilles sont tombées

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Les feuilles sont tombées. Le froid me mord les joues, se fraie un chemin entre les nuages. Mon regard est tourné vers le néant.

Je plonge mes mains dans les grandes poches de mon manteau. Les pans de tissus virevoltent autour de mes genoux. Je savoure le vent. Une chouette a élu domicile dans notre trou à lettre.

J'ai toujours préféré l'automne aux autres saisons. Mais cette année, la couleur du tapis au sol est moins belle. Les pluies que j'aimais m'agacent. Les gouttes transpercent mes vêtements pour éroder ma bonne humeur déjà vacillante.

La seule réponse que j'ai obtenue de Raphaëlle fut un court message.

Désolée, mais je n'ai pas trop le temps de te parler, avec le lycée et tous les trucs formidables qui m'arrivent en ce moment. On en parle la semaine prochaine ?

Elle n'a pas répondu à mes questions la semaine suivante. Ni celle qui a suivi, et toutes les autres. Raphaëlle a disparu. Elle était une véritable amie, je n'en doute pas. Mais la distance et le virtuel aident, il lui a suffi d'ignorer les sonneries de son téléphone pour me supprimer de sa vie. Je crois qu'elle m'a bel et bien laissée.

Un sourire amer s'étale sur mes lèvres.

Et dire que la seconde lui faisait peur.

Les rides dans le bois me tordent le cœur. Je me détourne. L'herbe trempée se colle à mes bottines noires. Je sors du parc. Les parapluies multicolores dansent. Les pas sont pressés. Ils ont des buts, des choses à faire quand ils rentreront.

Pas moi.

Je n'arrive plus vraiment à écrire, à nouveau. Je n'en ai plus réellement envie, je n'ai pas cette fièvre qui me prenait. L'encre ne veut pas se coucher sur le papier pour Olympe.

Je ne fais qu'écrire de petits poèmes sans intérêts. Des bouts de rimes assemblés entre eux. Aucun sens ne les relie, si ce n'est celui, désastreux, que prend ma vie. Je n'ai plus envie de rien faire.

Mais je n'y peux rien.

Je ne peux rien à rien.

Où que je regarde, je la vois toujours. Je vois Céleste qui me regarde. Je vois Céleste qui m'attend, au bout de la rue. Et je me rends compte qu'elle n'était qu'une illusion. Son souvenir me file entre les doigts.

Je vois son visage se dessiner entre les étoiles.

Mais elle est partie. Sans même prévenir. Je la hais.

J'aimerais la haïr.

Nuages et étincellesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant