CHAPITRE 16 - laisser couler

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J'essaie de me concentrer sur le professeur

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J'essaie de me concentrer sur le professeur. Mais son flot de paroles m'échappe. Ses mots résonnent dans mes oreilles comme un bourdonnement agaçant.

Je tourne la tête pour apercevoir les nuages par la fenêtre. Je me demande comment j'ai pu un jour me comparer à ces magnifiques immensités cotonneuses. Je n'ai aucun rapport avec elles.

Agathe, ma voisine de table, n'a pas l'air de se soucier du cours non plus. Elle griffonne sur son cahier avec nonchalance. Elle a posé une biographie de Victor Hugo sur le côté de la table. Une sensation amère m'envahit. J'aurais tellement aimé être dans la classe de Barmé, Celia et Maël. Au lieu de ça, j'ai été intégrée dans une classe inconnue. Quand tout le monde s'est assis, j'ai parcouru les rangées à la recherche d'une place.

Je me suis sentie petite, entourée de toutes ces personnes que je ne connaissais que de nom. J'ai fini par tirer une chaise à côté de cette fille, la seule qui avait l'air amical, ou du moins indifférent.

Je ne sais pas quoi faire. J'écris les paroles de la chanson que j'écoute le plus en ce moment sur ma feuille. Lorsque je finis d'écrire la dernière phrase, la sonnerie retentit. Je range mes affaires. Je soupire. Toute cette année sans mes amis va être longue.

Je passe les portes et descends les escaliers. Les adolescents se pressent les uns contre les autres en discutant avec animation. Enfin, je réussis à me frayer un chemin jusqu'à la sortie.

Je soupire.

Que faire, maintenant ?

Après une courte hésitation, je prends mon téléphone et commence à écrire un message pour Raphaëlle, pour lui conter mes récentes mésaventures. Je tapote sans discontinuer, avec hargne. Je lui raconte tout. Je mets de la musique dans mes oreilles. Je supporte de moins en moins le silence. J'ai besoin d'être entourée de ce cocon de mélodies.

Je tapote l'écran une dernière fois.

Le message s'en va.

Je marque une pause.

Mes yeux s'assombrissent. Le regard perdu dans le vide. Je ne ressens rien. Je ne vois rien. J'ai l'impression qu'elle est partie pour de bon. Céleste. Je ne vois pas comment j'aurais pu retenir son attention plus longtemps. Elle est tellement rayonnante.

Après tout, que sais-je d'elle ? Je ne lui ai rien demandé, je ne l'ai que peu interrogée sur ce qu'elle aimait, ce qu'elle voulait faire. D'elle, je ne connais que son prénom si mélodieux et son appartement.

Son appartement...

Je saute sur mes jambes. Cours à en perdre haleine. Il faut que je sache. Mes chaussures glissent contre le sol. Mon souffle se saccade. Un espoir s'infiltre malgré moi. Entre mes pas.

Lorsque j'arrive dans son quartier, j'hésite. Elle ne veut peut-être tout simplement pas me voir. Est-ce que je ne devrais pas respecter cette décision ? Est-ce que je ne devrais pas retourner chez moi ?

Je fais taire ces questions en m'avançant sur le perron. Je fixe la porte de l'immeuble puis le boitier à côté. Je passe mon doigt sur les inscriptions pour m'arrêter sur la dernière.

Mélina et Céleste Alype.

Je sonne. Aucune réponse. Mon cœur s'agite si fort dans ma poitrine que j'ai peur qu'il arrache ma peau et s'enfuie. Je sonne. Toujours rien. Les doutes envahissent mon esprit. Je sonne. Et ce silence me transperce les tympans.

Je sens les larmes menacer. Je laisse ma main appuyée contre la sonnette. La déception me tient entre ses crocs. J'entends des pas derrière moi, mais les ignore.

— Vous cherchez quelque chose ? demande une voix d'homme.

Je ne réponds pas. Il avise mon doigt appuyé.

— Les Alype sont parties hier.

— Parties ?

— Elles ont déménagé.

Je le regarde sans comprendre. Je ne veux pas comprendre. Des détails qui m'avaient échappés reviennent à ma mémoire. Les cartons n'étaient pas là parce qu'elles venaient d'arriver en ville, mais parce qu'elles s'en allaient. Parce que mon Étincelle m'a abandonnée.

Je regarde l'homme passer la porte et disparaître dans les escaliers sans réagir. Elle pourrait aussi bien être à l'autre bout du pays qu'à quelques mètres, dans la même ville.

Mais la seule chose que je vois, c'est qu'elle ne voulait pas que je le sache.

Elle ne m'a rien dit.

Mes yeux s'humidifient.

Le Nuage se désagrège. Il pleut.

Nuages et étincellesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant