CHAPITRE 22 - se chercher

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— Bravo, c'était vraiment magnifique ! félicité-je Anna

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— Bravo, c'était vraiment magnifique ! félicité-je Anna.

— Merci, ça me fait plaisir que tu sois venue...

Je lui adresse un regard chaleureux.

— Au fait... C'était qui, la fille après toi, qui faisait du violoncelle ?

— Oh, tu veux dire ta Céleste ? Une amie très sympathique, je suis sûre qu'elle te plairait.

Mon cœur recommence à pulser. Je baisse les yeux vers le goudron du trottoir. J'essaie de me concentrer sur l'agitation autour de moi pour me calmer. Les réverbères projettent une lumière orangée sur les carrosseries.

En voyant ma réaction, Anna s'illumine.

— Attends, tu veux dire que c'est ta Céleste ? Je n'avais pas du tout fait le rapprochement...

Je hoche la tête avec difficulté. Elle réfléchit quelques secondes, puis me prend le bras et se précipite dans le conservatoire en me traînant à sa suite. Elle tourne la tête en tous sens, fébrile, tandis que je cherche une échappatoire.

Une trappe dans le sol, par exemple, ce serait parfait.

— Céleste ! s'exclame mon amie d'enfance.

Je tente d'enfoncer ma tête le plus profond possible dans mes épaules. Je sens les regards se poser sur moi. Son cri enthousiaste lui vaut quelques regards courroucés.

— Tiens, salut.

Je lève les yeux. Céleste me dévisage. Son regard est insondable. Je me dégage du bras d'Anna et cours à l'extérieur.

Mes jambes s'agitent frénétiquement, je m'enfonce dans la nuit. Je m'arrête, à bout de souffle, sur le premier banc que je trouve. Je me mets en boule dessus. La honte me compresse la poitrine. La honte de m'être enfuie. Celle d'avoir espéré que si je parlais à mon Étincelle, tout redeviendrait comme avant.

J'attends des minutes qui me semblent des heures, mais je refuse de bouger. Le fer glace ma peau. J'ai froid. Je rejette la tête en arrière, mes yeux tournés vers le firmament.

Des talons claquent au milieu des étoiles.

Ils se rapprochent.

Clac-clac. Clac-clac. Clac-clac.

— Ma Cyrielle ?

Le banc craque, juste à côté de moi. J'entends sa respiration. Je ne réponds pas, je garde les yeux fixés sur l'immensité.

— Tu sais, j'ai beaucoup pensé à toi.

Je retiens un rire amer.

— Ne fais pas cette tête.

— Pourquoi ?

— Je n'aime pas quand tes yeux sont vides comme ça. Tu es si jolie quand tu souris.

— Non, pourquoi tu es partie ?

Elle marque un temps d'arrêt. Je soupire.

— Il n'y a pas d'explication, pas vrai ? rétorqué-je.

— Non, j'avais juste peur.

Pour la première fois depuis le début de la conversation, je la regarde. Elle fixe ses pieds, recroquevillée sur elle-même. Des cernes se dessinent sous son léger maquillage, ses pupilles brillent d'un éclat que je ne leur connais pas. Quelque chose a changé en elle.

Ou peut-être que je voudrais le croire. Peut-être que c'est juste cette lune qui a imprimé sa clarté dans sa rétine. Peut-être que j'ai juste envie de m'abandonner à elle.

Peut-être est-ce cette attitude. Je la connais confiante et grande, comme je l'ai vue sur scène ce soir. Je la connais drôle, moqueuse et malicieuse. Je la connais en représentation. C'est ce qu'il me semble, lorsque je la détaille. Les questions tournent, encore et encore. Une valse versatile accompagnée à l'instrument de mes doutes.

Je me demande si celle que je connais est celle qu'elle est vraiment. Si elle a changé, ou si elle a toujours été différente de ce qu'elle me montrait. Je ne sais pas. Je crois que je n'ai jamais cherché à savoir ce qui se cachait derrière celle qui me faisait rire.

— Mais je t'aime, tu sais.

Vous reprendrez bien un peu de confusion ?

Je rougis brusquement. J'ai l'impression que l'intégralité de la réalité me tombe sur les épaules pour me délivrer, enfin. Je suis bien égoïste de penser que je suis le centre de sa vie. Je suis bien stupide de penser tout ça : qu'elle est partie, qu'elle m'a laissée.

Elle ne m'a pas laissée. Elle a avancé, tandis que je suis restée au même point. C'est ce qu'il me semble en cet instant précis. Elle scrute mon visage, en attente d'une réaction.

Tout est emmêlé dans ma tête, d'immenses nœuds qui s'étirent à l'infini. Mais ce n'est pas si grave. N'est-ce pas justement le passage obligé qui fera de moi une adulte accomplie ?

— Bref, je ne suis pas au bout de mes peines, quoi...

— Pas au bout de tes joies non plus, fait remarquer Céleste.

Comme si elle avait suivi le cheminement de mes pensées. Elle sourit.

Je lui rends son sourire.

Elle approche ses doigts de mon visage et caresse doucement mes cheveux. Elle fait passer une de mes mèches derrière mes oreilles. Je me tourne un peu plus vers elle. Elle m'enlace. Je frémis et la serre contre moi.

Je laisse ma tête retomber sur son épaule.

Les étoiles scintillent, la Terre tourne, et entre les deux, les nuages se cherchent.

Nuages et étincellesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant