CHAPITRE 20 - sale égoïste

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 — Qu'est-ce que tu lis ? demandé-je à Agathe

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 — Qu'est-ce que tu lis ? demandé-je à Agathe.

Elle me montre la couverture.

— Des légendes irlandaises.

— Qu'est-ce que ça raconte ?

— Là, je lis l'histoire d'une femme-pirate, Grace O'Malley. Je trouve son histoire absolument incroyable !

Je hoche la tête, intéressée.

— Et pourquoi ce soudain engouement pour la culture irlandaise, ce n'est pas la première fois que je te vois feuilleter un truc du genre, si ?

Elle sourit.

— Quel sens de l'observation ! En fait je vais faire mon stage dans une librairie à Dinard.

— Etrange choix. Mais je ne vois toujours pas le rapport...

— J'ai essayé de demander à des librairies par ici, mais aucune n'a accepté. Du coup, mon père a essayé tous ses contacts pour trouver quelqu'un qui travaille en librairie et qui serait prêt à m'aider.

Je hoche la tête, attendant la suite des explications. Autour de nous et notre petit banc, les conversations vont bon train. La cour aux pelouses verdoyantes est envahie de collégiens impatients de rentrer pour échapper au froid dévorant.

— Bon, pour l'instant tu ne vois pas le rapport, mais c'est parce que je ne sais pas du tout raconter les anecdotes.

Je retiens un gloussement amusé.

— Donc, comme mon père est prof à la fac, il a gardé un peu contact avec certains de ses élèves, dont un qui travaille à mi-temps dans une librairie.

— Et ?

— Et voilà !

— Oui, mais le rapport avec l'Irlande ?

— Oh, j'avais oublié.

Je lève les yeux au ciel, moqueuse.

— Donc, l'Irlande c'est parce que l'élève en question est un peu allergique aux personne moins vieilles que lui, c'est-à-dire vingt ans.

— Effectivement, tu es nulle pour raconter des histoires, la taquiné-je.

— Mais laisse-moi finir !

— Oui, chef.

— Du coup, vu que sa passion est l'Irlande, j'ai décidé que j'allais l'apprivoiser en apprenant deux ou trois trucs sur l'Irlande, histoire de passer un bon stage.

— Longue anecdote pour cette conclusion.

— Ouais, je sais.

Un silence s'installe.

— Et toi, tu sais déjà ce que tu vas faire ?

— Non, pas du tout... Je cherche plutôt quelque chose dans le littéraire.

Je pourrais aussi le faire dans n'importe quel endroit.

— Tu veux que je me renseigne pour voir si tu pourrais venir avec moi ?

— Non, ne t'inquiète pas.

Le silence retombe. Je m'étonne d'être devenue aussi proche d'Agathe, depuis quelques temps. On ne parle pas de notre vie, mais au travers de ce qu'elle aime, j'ai la sensation de la connaître un peu plus chaque jour. Parler avec elle m'apprend à écouter.

Parfois, je repense à Celia.

Oui, je suis égoïste, je crois.

Je crois que comme beaucoup, je n'échangeais avec elle que pour parler de moi. Pour recevoir ses conseils, pour recevoir son attention. Mais est-ce que je lui donnais la même chose en retour ? Est-ce que je méritais sa gentillesse ? Je ne le pense pas.

Bien sûr, je l'adorais, je l'adore. J'aime sa manière d'être, ses mimiques, ses passions, son rire, sa joie de vivre. Pour autant, est-ce que je l'ai écoutée quand elle faisait moins de musiques, que toute passion la quittait, qu'elle ne riait plus ? Est-ce que j'ai essayé de l'aider, quand elle avait besoin de moi ? Où est-ce que je n'étais avec elle que quand elle essayait de m'aider ?

Je crois que quand elle a dit « égoïste, tu ne penses jamais aux autres », elle voulait dire « égoïste, tu ne penses jamais à moi ». Et elle avait raison.

Parfois, quand j'y repense, j'ai honte.

Mais j'espère que dans quelques semaines, quelques mois, je pourrai dire « j'étais égoïste, je crois ».

La sonnerie retentit.

Je me lève prestement pour rentrer en cours avec Agathe.

Je me lève prestement pour rentrer en cours avec Agathe

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Mes parents reposent leurs couverts.

— Désolée Cyrielle, tu sais bien qu'on a pas le temps de s'occuper de ton stage de troisième. Demande à tes professeurs, d'accord ?

Je hausse les épaules.

— D'accord.

Maussade. Ils n'ont pas de temps pour moi.

— On est désolés, Cyrielle, dit mon père.

Je souris.

— C'est pas grave. Comment ça se passe au boulot ?

Leurs visages s'assombrissent.

— Ça va, souffle ma mère.

— On regarde un film ? proposé-je.

Mon père hausse les épaules.

— Je dois terminer un ou deux trucs pour le travail.

Pas le temps. Ils n'ont le temps pour rien en ce moment. Rien qui leur plaise, en tout cas. Je crois que cela fait des mois que je ne les ai pas vus vraiment sourire. Ils se contentent de travailler, dormir en rêvant de travail, et y retourner.

Je soupire, vaincue.

J'espère que la magie des fêtes de fin d'année les distraira de cette routine dévastatrice. Quelques minutes pour prendre un chocolat chaud pourrait leur rappeler ce qu'est l'insouciance, le bonheur d'être en famille.

Nuages et étincellesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant