CHAPITRE 27 - aussi simple

162 48 42
                                    

J'attends

Oups ! Cette image n'est pas conforme à nos directives de contenu. Afin de continuer la publication, veuillez la retirer ou télécharger une autre image.

J'attends.

Dans ce parc si familier, mes souvenirs s'activent, construisent un décor d'été qui contraste avec la fraîcheur de ce début de février. Mes amis qui plaisantent, Céleste qui se repose sous notre arbre. Tout cela paraît si intact et si réel que je serais tentée de laisser tomber l'imparfait et de revenir à un présent depuis trop longtemps passé.

Tout semble si beau, quand j'y repense. La chaleur des rires et du soleil sur ma peau, l'insouciance d'un jour sans problèmes.

Même si en y réfléchissant, tout n'était peut-être pas aussi extraordinaire que ce dont je me souviens. C'est une certitude, mais à ce moment, je touchais le bonheur du doigt, et j'aurais voulu que ce temps ne s'arrête jamais.

Je voudrais capturer le bonheur, et le garder avec moi partout où je vais. J'aimerais l'offrir à ceux qui ont plus de raisons de se plaindre que moi. À ceux qui ne peuvent pas réparer tous leurs problèmes avec trois mots comme je le peux.

Mais au fond de moi, je sais que le bonheur ne s'attrape pas, ou alors comme une maladie. Un jour on sort sans écharpe, sans prudence. On sort de chez nous, de notre routine. Et le lendemain, on a le front chaud de la fièvre de l'euphorie, les lèvres gercées de sourires, et les oreilles vrillées de rires. Puis tout s'estompe, petit à petit. On revient se blottir dans de longs manteaux de sûreté, jusqu'à oublier la saveur d'une journée d'été. Jusqu'à oublier comment croquer un nuage de joie ou une cerise au goût de félicité.

On oublie les sucreries de l'existence, et on ingère jour après jour des montagnes de monotonie. On se rend compte quelques temps plus tard que les symptômes ont disparus. On se rappelle de la sensation, mais on se dit que ça ne peut pas avoir été aussi fort.

Le bonheur est une terrible maladie.

Je caresse l'herbe du bout de mes doigts. Le parc est désert. Il n'y a que mes pensées pour me tenir compagnie. Des réflexions sans queue ni tête qui jouent à chat avec le vent. Une bourrasque fait vaciller les arbres bourgeonnants. Les feuilles frémissent.

Elles frémissent, et j'aime à penser qu'elles ont entendu mes rêveries, et qu'ainsi elles ne seront pas vaines. Que ces élucubrations se disperseront et courront dans toute la ville, pour germer dans d'autres crânes.

Une branche frémit. Célia surgit de derrière un grand chêne, l'air un peu désorienté. Mes yeux croisent ses prunelles aux couleurs asymétriques. Elle cligne des yeux et me sourit.

— Salut Cyrielle.

— Salut !

— Comment tu vas depuis tout ce temps ? Ton message m'a surprise...

— Oui, c'était un peu un coup de tête. Je vais comme je peux, et toi ?

Elle laisse échapper un petit rire nerveux.

— Je vais bien.

Elle prend place en face de moi.

— C'est étrange de se revoir, pas vrai ? glissé-je.

— Oui, vraiment.

Je laisse passer un moment. Je n'ai que trois mots à dire.

— Je suis désolée.

Elle ne réagit pas tout de suite.

— Je suis désolée.

— Tu l'as déjà dit, se moque-t-elle gentiment.

Je secoue la tête.

— Je suis désolée d'avoir été égoïste, je te promets que j'ai changé.

Elle hausse les épaules.

— J'avais tort tu sais, je me suis juste un peu énervée sur le moment. Tu n'étais pas égoïste, tu ne l'es toujours pas.

— Si, je t'assure, j'ai beaucoup réfléchi. J'aurais dû faire plus attention à toi, à vous.

Elle sourit.

— Pourquoi tout ne s'est pas réglé rapidement, comme d'habitude ? Pourquoi on a attendu tout ce temps ? Est-ce qu'on a trop changé ?

Je marque un temps de réflexion, le regard perdu dans le ciel, incapable de la regarder.

— Je ne sais pas. Je dirais que c'est l'enrobage qui a changé, mais qu'au fond on est restées les mêmes.

— Toujours en train de tout poétiser, pas vrai Cielle ? Mais dans le fond, t'as raison, tu es restée une guimauve fragile, et je suis restée un chocolat tout fondu. On est émotives comme pas possible.

Je sens une lueur de joie perler au coin de mon œil.

— En soit, continue-t-elle, tout a toujours été une histoire de desserts avec nous, on n'a que ce mot à la bouche. Pas vrai ?

— Totalement.

Elle sort un paquet de sa sacoche et le pose entre nous. Un nuage de sucre glace s'en échappe.

— Cette discussion est d'un déprimant, c'est affligeant, rigole-t-elle en prenant une corne de gazelle dans le sac en carton.

Je prends une des pâtisseries et la déguste. La pâte fond sur ma langue, c'est délicieux. J'essuie le sucre sur mes doigts dans l'herbe fraîche et soupire.

— C'est aussi simple que ça, vraiment ?

Elle ne répond pas, mais ses yeux se plantent dans les miens.

Oui, parfois, ma vie est aussi simple que ça.

Oui, parfois, ma vie est aussi simple que ça

Oups ! Cette image n'est pas conforme à nos directives de contenu. Afin de continuer la publication, veuillez la retirer ou télécharger une autre image.

Je soupire en lisant le message de ma mère. Une fois de plus, mes parents ne rentreront pas ce soir. Je laisse tomber la cuillère dans la sauce que je viens de concocter, découragée. Est-ce qu'ils auront un jour un peu de répit ?

Je caresse le pendentif qu'ils m'ont offert pour Noël, nostalgique.

Nuages et étincellesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant