CHAPITRE 28 - dans la lune

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Je sors les stylos de ma trousse, un par un

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Je sors les stylos de ma trousse, un par un. Je les aligne et caresse du bout des doigts le plastique froid. Celia me fait un signe de la main à travers la porte avant de s'échapper pour son propre cours. Je retourne à ma tâche.

Je range, je trie, par couleur, par taille. Et dans un coin de ma table, une pile de minuscules papiers qui traînaient entre deux copeaux de crayons.

Je jette un œil au professeur.

— Comme vous le savez, vos stages de troisième auront lieu dans deux semaines, et votre brevet...

Je lève les yeux au ciel. Je le regarde encore un peu frotter son feutre contre le tableau blanc. Il y met toute sa rage et sa détermination. Il enfonce la mine et la fait couiner. De petits sifflements désagréables qui l'indifférent. Il tapisse ce support autrefois immaculé d'écritures resserrées, de mots clefs, de grands sujets et grandes phrases qui s'entrecroisent.

J'ouvre donc un des petits bouts de feuilles. Un mot est inscrit au dos.

Luabulle

Un mot inventé, des petites syllabes qui éclatent sur la langue et coulent dans la gorge. Une aide à l'inspiration. Un projet de créature pour Lueurs dans la Pénombre ? Je n'en ai aucun souvenir, mais rien ne m'empêche de réinventer.

J'en déplie un autre.

Sélénambulle

Lune qui marche. « Sélène », du grec, « lune », et « ambulo », du latin « se déplacer ». Le mélange de deux peuples anciens pour une figure onirique.

J'aime redécouvrir ces fragments d'une Moi d'un autre temps, qui échappe à ma mémoire. Je ne sais plus ces éclairs qui ont traversé mon esprit. Je continue mon investigation.

Au bout de dix minutes de ce petit jeu, Agathe me tapote l'épaule. Elle me tend un papier turquoise. Un poème est inscrit dessus. Ou peut-être est-ce une chanson ?

La Lune déteste la Nuit,

Qui croque de ses dents de suie

La moindre luabulle perdue,

Seules amies de Sélène.

L'Astre est esseulé,

Abandonné

Par ses compagnons de lumières

Et par les étoiles majestueuses

Qui se refusent à lui parler

Puisque la Nuit ainsi en a décidé.

La douce Sélène un jour,

Décide de partir :

Vers la plus lointaine des galaxies,

Loin à l'horizon d'autres mondes,

Où la solitude ne sera plus son unique compagne.

Elle sélènambule,

Elle s'enfuit.

La Lune rencontre alors un nébullâtre,

Blotti sous un astéroïde,

En proie à de furieuses insomnies.

Ils s'éprennent et ensemble,

Choisissent dans les constellations

Un endroit où se blottir et rêver.

Ils élèvent ainsi loin de la Nuit,

Leurs Nébullunes et Sélènâtres,

Heureux dans la clarté de la Voie lactée.

Et pour toujours,

Ils soupirent dans des nuages

De poussière d'étoiles.

Je dévisage Agathe, bouche bée. Je l'avais déjà vue griffonner dans les marges de ses cahiers et classeurs, mais je n'avais pas pensé que de tels mots couraient sous sa peau et emplissaient son être. Est-il possible de respirer de si jolies phrases ?

Elle sourit.

— Tu es sûre que tu vas bien Cielle ? Tu as l'air dans la lune

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— Tu es sûre que tu vas bien Cielle ? Tu as l'air dans la lune.

Elle ne croit pas si bien dire.

— Oui, parfait, aucun problème !

— Bon, si tu le dis.

Celia fait glisser son sac sur son épaule et part à ma suite.

— Au fait, dis-je, il y a un salon du livre dimanche prochain, tu voudrais venir avec moi ?

— Ouais bien sûr, je n'ai rien de prévu je crois.

— Parfait alors !

Elle sort son téléphone et me passe ses écouteurs. Une musique résonne dans mes oreilles. Je saisis un paquet en carton et sors un pain au chocolat puis en donne un à Celia.

Ce genre de moments m'avait tant manqué.

— Il faudra que tu parles à Maël et Bartho, au fait, martèle-t-elle en croquant dedans.

J'acquiesce, la mine un peu sombre. Je me demande s'ils auront la même réaction que Celia. J'en doute, surtout pour Maël. Sous ses airs d'insensible qui sourit en tout temps, il n'oublie pas facilement les erreurs. Puis-je le blâmer pour ça ? Je lui envie ce côté-là, moi qui suis si naïve.

Le visage de Céleste traverse mes pensées.

— Sinon, j'ai réglé mes petits soucis avec Barmé.

— Oh.

Je croque dans ma friandise, pensive.

Nuages et étincellesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant