CHAPITRE 18 - papier glacé

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Les volets ouverts sur la rue

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Les volets ouverts sur la rue

Une lumière allumée sur un cœur mis à nu

Un stylo bavarde sur le papier coloré

Un cahier convoité mais jamais déchiffré

Ces lignes préservées pour son intimité

Et ces larmes versées qui imprègnent le papier

Elle écrit tout ce qu'elle a regretté

Et quand elle referme ce carnet

Elle sait à nouveau respirer.

Agathe arrête d'écrire et se tourne vers moi.

— Si tu veux lire, tu peux demander, tu sais ? me dit-elle avec une pointe de malice.

Je rougis de honte.

—Je suis désolée...

Elle réprime un sourire amusé.

— C'est pas grave.

Elle met la feuille au milieu de la table et continue à écrire. Je fais mine de regarder le plafond, mais ne peux résister à l'envie de regarder son texte. Elle tourne la page, et commence une nouvelle chanson.

J'aime la regarder créer. Quand sa peau parsemée de taches de rousseur se fronce avec la concentration, et qu'elle rabat ses cheveux couleur soleil couchant dans son dos. C'est un spectacle bien plus passionnant que de regarder le professeur nous sortir le même discours encore et encore.

Le brevet arrive, et notre stage d'observation aussi.

Tout cela me parait si insurmontable.

Je détaille les fissures sur les murs

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Je détaille les fissures sur les murs. Cette peinture qui s'écaille déjà, même si on vient de la repeindre. Je scrute ce vieux dessin qui date de mes trois ans, posé sur mon armoire. Le bord gauche est taché.

Je me souviens de ma petite enfance. Quand j'avais posé mon crayon sur une feuille pour en sortir ce résultat. Médiocre, au demeurant. Même si j'ai un peu honte d'avoir un jour fait ça, je ne peux que penser au doux parfum d'insouciance qui imprègne le grain blanc. Comment ne pas me rappeler l'odeur des feutres débouchés depuis trop longtemps ?

Je voudrais me replonger dans ce passé, m'emplir de chacun de ces instants. De cette sensation particulière que je crois retrouver en touchant ce vieux stylo oublié sous un meuble.

Je pose mes pieds au sol, non sans frissonner sous la température du parquet.

Je fouille un moment dans mes tiroirs de bureau. Jusqu'à retrouver ce que je cherche, une boite en plastique en plastique rose. Je me souviens du temps pas si lointain où je ne jurais que par cette couleur. Du bout de mes robes jusqu'aux nœuds de mes serre-têtes, elle me recouvrait.

La poussière frotte mes doigts. Je grimace. J'ai toujours détesté cette sensation. Elle me rappelle la craie qui s'effrite sous mes doigts.

J'enlève le couvercle. Des photos sont empilées. Une odeur forte s'en dégage. Une odeur de vieux, une odeur de bonheur.

Je saisis la première photo. Dessus, je parais aux côtés de Celia, Maël et Barmé. Notre quatuor était si uni, à ce moment -là. On rigole, dehors. Dans un parc. Je crains que des moments tels que ceux-ci n'arrivent plus. Je n'ai pas reparlé à Celia depuis notre dispute, et je n'ai jamais osé m'excuser. Peut-être par égoïsme, comme elle le dit si bien. Bartholomé et Maël me parlent rapidement de temps en temps, essayant de lancer des conversations. Mais la complicité s'est envolée en même temps que l'été.

Je plonge mes mains plus profondément. Une autre image sur papier glacé. Elle est plus vieille. Une fille pose à côté de moi, en jetant ses cheveux au vent d'un air faussement méprisant. Je suis pliée en deux à côté, hilare.

C'est Anna, ma meilleure, et seule, amie de primaire. On s'était promis de ne pas perdre contact, et puis on a grandi, on s'est oubliées. Je me souvenais à peine de ce souvenir inoubliable. J'arrache un post-it à mon bureau et griffonne quelques mots dessus.

Je continue mon exploration. Je vois des photos de mon voyage en Italie, mon pays préféré. C'était en sixième. Je me remémore les grands bâtiments. Les rues de Rome où se côtoient vieux temples et maisons modernes. J'ai l'impression de sentir le goût de cette glace, que j'avais dégustée en râlant sur les pavés.

Je ne peux empêcher la nostalgie de m'assaillir. Je ne peux m'empêcher de pleurer à tous ces souvenirs. Je range la boite, pour ne pas abîmer ces instants parfaits.

Je me demande si ces moments magiques sont perdus à jamais. Si je pourrais les rattraper, revoir Anna, restaurer mon amitié avec Celia... Est-ce que je devrais essayer ? Ou les laisser reposer dans mon passé pour me tourner vers le futur ?

Je ne sais pas quoi faire.

Alors que je voulais me ressourcer pour mieux respirer en prenant ces souvenirs, je me sens encore plus perdue et perturbée.

Est-ce que je devrais tourner la page ? Grandir ?

Nuages et étincellesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant