CHAPITRE 23 - coeur volatile

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Je rentre chez moi, au fond du cœur quelques chiffres et deux ou trois lettres mélangées

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Je rentre chez moi, au fond du cœur quelques chiffres et deux ou trois lettres mélangées. Un numéro de téléphone et une promesse.

Je soupire.

J'ai soudain envie de faire des milliers de serments que je ne remplirai jamais. Alors je sors un bout de papier pour me libérer l'âme et j'écris. Il y a longtemps que je n'ai pas ressenti les phrases comme aujourd'hui. Les mots s'écoulent sans peine de mon stylo et se déversent sur les pages. Mes personnages courent le long des lignes. Je n'ai pas peur des ratures, elles me montrent simplement le chemin que j'aurais pu prendre.

Je me sens le cœur volatile cette nuit. Prêt à s'envoler au moindre coup de vent. Je rentre chez moi, je laisse mes pieds arpenter la route que je connais.

J'aime tant cette odeur de voie lactée et d'étoiles qui flotte dans la ville à la nuit tombée. J'adore les bruits lointains des voitures. Je me délecte de voir passer un vélo solitaire, pédales affolées dans le courant d'air urbain. Je chéris la lumière blafarde des lampadaires, je me complais dans la contemplation des enseignes éteintes. Je savoure cette ambiance.

Je réfléchis un peu. À toutes ces âmes, chéries ou déchirées, seules ou en bande, belles ou sombres, captives ou libres. Des vies qui s'entrecoupent sans se préoccuper des autres, où en faisant tout en fonction d'eux.

C'est décidé, demain, je vis.

Je l'avais déclaré moi-même quand je n'avais encore que cinq ans : « je ne veux pas survivre, je veux vivre ». Je m'étais levé, étais montée sur la table. Et j'avais lancé cette phrase. On me l'a souvent répété ensuite, en rigolant, en en parlant comme d'une dérive de mon esprit enfantin.

Je souris à cette pensée à la limite de la nostalgie. Je chasse cette vieille amie, il n'est pas temps de se souvenir de mon enfance, j'aurai tout le temps de le faire quand j'aurai construit des bases solides pour mon futur.

Donc je vais me retrousser les manches, et profiter du temps qui m'est imparti pour continuer à rêver, et accomplir mes rêves.

Vaste programme.

Je souris à Céleste

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Je souris à Céleste. Quel bonheur de la retrouver ! Si j'ai pensé pouvoir me passer d'elle, je découvre seulement qu'elle est ma gravité. Elle est ce qui me retient sur terre et ce qui me fait décoller vers la stratosphère.

Je me concentre sur le violoncelle qu'elle a placé entre mes bras.

— Tiens, bouge juste l'archet, je fais les notes.

Elle s'assied à côté de moi. Je sens son souffle contre ma nuque et sa peau sur mes doigts. Une senteur boisée s'échappe de ses cheveux. Je tire sur l'archet et un son strident sort du bel instrument. Je grimace.

Céleste éclate de rire devant ma mine déconfite.

— Allez, essaie encore.

Je hausse les épaules.

— Joue-moi quelque chose, plutôt, dis-je.

Elle prend son violoncelle avec délicatesse et le place entre ses jambes. Elle jette un regard par la fenêtre. Ses pupilles claires se perdent dans l'horizon brumeux de l'hiver. Même les immeubles de la rue d'en face me semblent sertis de diamants. Il me semble que la ville entière est un joyau inexploité. Ces nuages grisâtres que j'aurais trouvé fades encore hier, loin de la splendeur de ceux d'un blanc éclatant, ce ne sont que des éclats de ciel. Cette immensité qui a accueilli tous les plus grands bonheurs avant le mien.

Je crois que la Terre est magnifique, splendide, incroyable. Il me semble que je vis une vie extraordinaire. Il me semble être absolument unique, choisie par cette éclatante étoile.

La musique de son violoncelle danse, s'accroche au plafond pour redescendre se blottir dans mes oreilles. Elle me berce, cette mélodie inconnue.

Cette plénitude est parfaite.

Je ne me trompe pas lorsque je dis que cette vie, parmi les milliards d'autres, est la seule que je veux vivre.

Je la regarde finir son morceau et ranger son instrument. Elle me sourit.

Dehors, un flocon tombe.

Je me précipite à la fenêtre avec enthousiasme. La pluie d'une blancheur éblouissante commence à tomber. Je m'emplis d'une excitation enfantine. Je dévale les escaliers à toute vitesse, pour profiter de cet instant de grâce.

Je me précipite sur la terrasse glissante de verglas. Céleste me rattrape juste avant que je ne tombe.

— Décidément, tu mènes un combat constant contre la gravité toi, se moque-t-elle.

On lève la tête à l'unisson pour graver le souvenir de cette splendide neige dans nos têtes. C'est du bonheur en poudre qui couvre nos visages heureux.

Céleste me prend dans ses bras, et je m'abandonne à elle, à l'hiver, à l'univers.

Nuages et étincellesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant