CHAPITRE 11 - minuscule fragment

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Je me réveille, mais garde les yeux fermés

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Je me réveille, mais garde les yeux fermés. J'essaie de me remémorer cette soirée. . On n'avait pas besoin de drogue, on n'avait pas besoin d'alcool, de cigarette, de ces concentrés de promesses piégeuses. Des bouts de vie formidables, à entendre la croyance populaire. Des artifices inutiles, à peine une béquille pour une vie qui a perdu ses jambes et ses ailes.

On n'avait pas besoin de tout ça pour voler dans un rêve aux effluves magiques.

Je crois que cette nuit, j'ai vu à quoi le bonheur absolu ressemblait. Et maintenant, je sais qu'il existe bel et bien. Je ne peux le garder avec moi, pour toujours.

Un grognement retentit un peu plus haut. J'ouvre les paupières, et souris.

Raphaëlle est là, dormant paisiblement.

J'ai gardé un petit fragment de bonheur qui restera avec moi encore pendant une semaine, à défaut de l'éternité.

J'ai gardé un petit fragment de bonheur qui restera avec moi encore pendant une semaine, à défaut de l'éternité

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Je plonge ma cuillère dans la chantilly. Et savoure la petite mousse blanche. Je suis face à Raphaëlle qui déguste sa glace méthodiquement, concentrée. C'est si étrange de la voir.

Je ne l'imaginais pas du tout comme ça. Mais c'est sans aucun doute ce qui lui correspond le plus. Jamais je n'aurais pensé qu'elle porterait de petites boucles d'oreilles en forme de dragon. Je n'aurais pas pensé à cette bague aux spirales complexes. Et ces yeux aux cent nuances de vert ne me seraient jamais venus à l'esprit.

Je termine rapidement ma glace, et elle fait pareil.

—Bon, dis-je, et si on écrivait un peu de notre projet commun ?

— Bonne idée !

On quitte les paisibles rayons du soleil et monte les escaliers. Je sors les cartes et les fiches de personnages que j'avais imprimées et classées au fond du tiroir de mon bureau.

Je regarde les feuilles. On les commente, ensemble, on corrige, on modifie. On s'entend, beaucoup, on négocie, un peu. Et on construit, ensemble.

Elle est beaucoup plus organisée que moi.

Je préfère me lancer dans l'écriture juste avec une vague idée en tête. Me laisser porter par le récit. Sans prévoir grand-chose. Préciser mes personnages au fur et à mesure dans ma tête et avoir le plaisir de me surprendre moi-même, de me rendre compte que tout s'emboite à la perfection. Parfois, ne plus pouvoir écrire, bloquer.

Elle aime connaître la trame, faire des fiches de personnages. Des cartes. Nommer tous les lieux, toutes les idéologies et rêves, déterminer la vie avant de la vivre.

On a des modes de fonctionnement et d'écriture différents. Mais c'est ce qui nous permet de toujours avancer. Ces derniers temps, on a préféré se concentrer sur nos romans respectifs, mais puisqu'on est ensemble, autant en profiter. Je vais nous chercher des thés. Et on finit, sirotant nos boissons à inspiration en rédigeant des débuts de chapitres.

On continue de discuter, on essaie de ne pas perdre une seule seconde du temps que nous pouvons passer ensemble

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On continue de discuter, on essaie de ne pas perdre une seule seconde du temps que nous pouvons passer ensemble. Des fois, on s'arrête pour admirer un paysage, en silence. Je lui ai tout montré. Je l'ai regardée observer les millions de petites choses que je lui avais décrites.

On a planifié des voyages dans des pays imaginaires, on a visité vingt dimensions, mais après l'avoir fait, séparées par un écran, on le fait main dans la main.

On a passé en boucles nos chansons préférées. On a discuté de nos vies respectives. On a trouvé des formes dans les nuages, des dessins dans les étoiles, des chants dans le vent, des récits entiers dans un brin d'herbe, des éclats dans nos existences.

Et je la regarde s'éloigner. Elle me fait signe depuis la fenêtre arrière de son bus. Ses yeux sourient et pleurent en même temps. Ses cheveux détachés s'emmêlent autour de ses écouteurs. Ils diffusent sans doute cette même musique, qu'on a écoutée encore et encore.

J'observe son visage. Cette fille n'est pas un rayon de soleil, c'est un astre à elle toute seule. Et quand le bus s'évanouit derrière les arbres rachitiques et les poteaux électriques, je me sens un peu vide.

Heureuse de l'avoir vue. Et triste de la voir partir. Que vais-je faire maintenant ?

Je me retourne.

Lassitude subite.

Je marche.

Céleste ne m'a pas donné signe de vie depuis la semaine dernière. J'espère que je n'ai rien fait qui aurait pu l'offenser. Rien dit qui aurait pu la froisser. J'ai un peu pensé à elle cette semaine. Je me demande si elle a pensé à moi.

Rappe ma semelle contre le trottoir.

J'espère que mes parents ont apprécié Raphaëlle, qu'elle ne les a pas dérangés. Je détesterais si cette rencontre avait été désagréable pour eux.

Je trébuche.

Je vais tomber. Cette prise de conscience soudaine me fait un peu douter. Est-ce que je ne serais pas en train de me lamenter sur mon sort, alors que j'ai tout ce dont beaucoup pourraient rêver ? Je crois que si.

Et là, une Etincelle m'a rattrapée.

Tout en douceur.

Nuages et étincellesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant