Chapitre 55

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Charly

La dernière. La toute dernière simulation. Ce n'était qu'un caprice d'enfant. J'aurais pu partir le matin même, malgré les failles du premier plan. Mais non, j'avais égoïstement demandé douze heures de rab. Une dernière simulation.

Comme d'habitude, l'un des assistants de Nora nommé Sutton vint me chercher dans ma cellule, suivit par deux gardes. Ces derniers me saisirent par les épaules afin de me lever et de me charger sur un brancard, non sans m'arracher quelques gémissements de douleur. Des liens mécaniques se resserraient autour de mes poignets et de mes chevilles, afin que je ne tente pas de m'échapper. Comme si j'en avais la force. Ensuite, nous prenions l'ascenseur jusqu'au cinquième étage. Je ne voyais que le plafond d'un noir intense parsemé par endroits de points blancs, comme s'il s'agissait d'un ciel étoilé. Les néons bordant le plafond m'aveuglaient un peu, aussi je finis par fermer les yeux, comme tous les jours. Le brancard passait ensuite dans une salle de préparation, aux murs et au plafond aussi sombres que le couloir. Là, on s'assurait que tous les petits mécanismes que l'on m'avait implantés fonctionnaient et qu'aucune de mes plaies ne s'infectaient. J'avais le droit à un véritable décrassage, j'étais lavé comme une voiture dans un lavomatique, je détestais ça. Par la suite, je passais une heure ou deux en perfusions, afin de recevoir juste assez de nutriments pour survivre. Puis mon brancard repartait dans le couloir afin de m'emmener en salle de simulation. Seulement cette fois, j'étais suivi par une armée de scientifiques en blouse blanche. Nora me rejoignait toujours juste avant la simulation, quand le chirurgien chauve me branchait à une machine avant de m'injecter son liquide noir. Le claquement de ses talons sur le sol me prévenait toujours de son arrivée. Ce son devenu familier me retournait toujours l'estomac à présent, il était synonyme de souffrance et d'anxiété.

Ce jour-là, elle commença par demander un bilan de ma santé à ses assistants, m'ignorant complètement. Cela me permit de savoir que mon état général était plutôt bon, que les greffons de la fondation prenaient bien, mais que j'étais trop tendu et que mon système nerveux était mis à rude épreuve.

- Peut-être qu'un massage m'aiderait, lançai-je avant de grimacer.

L'aiguille s'enfonçant dans ma peau m'effrayait moins, mais me faisait toujours aussi mal. Nora me toisa en souriant hypocritement avant de se tourner vers Sutton pour entendre la suite du bilan. Fréquence cardiaque, fréquence respiratoire, tests d'efforts, bilans sanguins, réflexes, perfusions... Tout y passait ! Il lui présentait des schémas, des courbes, des histogrammes sur sa tablette. A la fin du rapport, Nora se tourna vers moi en joignant ses mains.

- Alors Waren ? Comment te sens-tu mentalement aujourd'hui ?

- Je vous déteste.

Elle sourit puis récupéra la tablette des mains de Sutton.

- Lancez la simulation.

Les scientifiques quittèrent tous la pièce, me laissant seul avec mon reflet. A présent, je n'étais plus surpris par la douleur saisissante qui contractait ma poitrine. Je tombai à genoux en gémissant. Chaque battement de mon cœur semblait disperser du poison dans tout mon corps. Puis soudainement, tout cessa. La douleur et le bourdonnement de la machine disparurent. Je rouvris les yeux. Je me trouvais dans ma chambre d'étudiant, tout particulièrement en désordre ce jour-là. Je fronçai les sourcils en apercevant Delta tentant de se coller une fausse moustache, penché sur le miroir derrière la porte. Il portait une salopette par-dessus un t-shirt vert.

- Qu'est-ce que tu fais ? l'interrogeai-je en me levant.

- J'essaie de faire tenir cette foutue moustache !

Il frotta encore quelques secondes le morceau de feutrine sous son nez avant de se retourner tout sourire.

- Ça y est !

Le 3eme PrénomWhere stories live. Discover now