Colombe

Chap. 4

-Que te voulait-il?

Colombe tourne son visage vers la voix. Anastase est à près d'elle, penché tout comme elle sur les légumes du marcher, l'air de rien. Plusieurs jours ont passé depuis l'enterrement, et ils ne s'étaient toujours pas revus.

-Nous ne devons pas nous parler ici.
-Personne ne fait attention à nous. Que te voulait-il?
-M'épouser. Encore.

Anastase ne s'attendait pas à une réponse si directe. Il fronce les sourcils et enfonce ses ongles dans la paume de sa main.

-Qu'as-tu répondu?
-A ton avis idiot? Je resemble à une comtesse?

Le jeune homme est soulagé. Mais pas encore tout à fait.

-Tu penses qu'il va te laisser tranquille maintenant?
-Je ne sais pas. Ça fait trois ans qu'il me harcèle, depuis le décès de sa femme. Maintenant que ma tante est morte, il a encore moins d'obstacles contre lesquels se battre. Et comme il a déjà des enfants de sa précédente union, rien ne le presse à trouver une épouse.
-Tu lui as dit que tu ne voulais pas te marier, avec personne?
-Évidement! s'offusque Colombe plus fort qu'elle ne l'aurait souhaité.

Elle se racle la gorge et reprend plus bas:

-Mais ce n'est pas le genre d'homme à se contenter de ça. Une paysanne ne peut pas dire non à un noble, c'est absurde. Pourquoi une femme refuserait-elle un tel privilège? Il ne me demande même pas d'être sa maîtresse, non. Il veut que je l'épouse. Et j'ai beau dire non, il va bien finir par en avoir assez... Je ne veux pas que les choses s'enveniment.
-Tu es en train de dire que tu serais prête à lui dire oui?

Colombe hésite un instant et se tourne vers lui. Tant pis si quelqu'un les voit. Après tout ce ne sont que deux personnes qui parlent ensemble au marcher, sans doute de fruits ou de légumes.

-Non. Je ne me marierai pas avec lui. Mais s'il continue, alors je n'aurai pas d'autre choix que de partir. Avec Agnès.

Anastase tombe des nues.

-Partir? Mais où ça? Tu n'es jamais sortie de ce village!
-Justement, il est peut-être tant que je vois le monde extérieur. J'ai lu beaucoup de choses sur la géographie. Il y aurait tant d'endroits à découvrir.
-Et donc... tu veux me laisser ici c'est ça?
-Tu as ta mère et tes sœurs. Je ne veux pas t'imposer de les quitter pour moi.
-C'est toi que j'aime. C'est avec toi que je veux vivre Colombe. Peu importe où. Si tu me demandais de t'accompagner je le ferais.

La jeune femme sourit, et pose furtivement sa main sur la sienne.

-Nous avons encore le temps d'y réfléchir. Je vais en parler à Agnès. Son deuil se fera aussi sans doute plus facilement si nous ne restons pas ici. Et Walderic m'a bien fait comprendre que si je ne coopérais pas il me retirerait mes terres. Je n'en ai que faire si je suis loin. Qu'il les garde ses maudits champs. Je choisis ma liberté.

Elle paye les quelques légumes qu'elle a mis dans son panier, et après un clin d'œil à son jeune amant, tourne les talons pour retourner chez elle, un souffle d'espoir dans le coeur.