Chap. 39

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La nuit est profonde en forêt. Le ciel à peine visible parfois, et les bruits effrayants.
Mais Colombe n'a pas peur. Elle n'a pas peur de la nature, des loups, des sangliers, des monstres. Elle aime la nuit, la lune, le vent.

Elle dort paisiblement, recroquevillée en boule sous des feuillages, lorsque quelque chose la tire violemment de son sommeil. Une main sur son nez et sa bouche. Sursaut. Manque d'oxygène.
Ses yeux sont habitués à la noirceur, elle est un hibou, un chat. Elle reconnaît immédiatement les trois jeunes hommes.
Ils n'ont pas pu la suivre, elle s'en se serait aperçue. Ils ont donc attendu, puis l'ont traquée, et l'ont finalement retrouvée.

C'est le plus jeune qui est accroupis au dessus d'elle, sa main sur sa bouche, le long couteau qui a servi à achever la biche pose contre sa joue.
Les deux autres debout, près d'eux. Il est évident que le benjamin est le vrai chasseur du groupe. Il a tiré sur la biche, l'a finie, et maintenant compte faire de même avec cette humaine.

Colombe essaye de rester calme, de ne pas paniquer. Mais l'oxygène commence à trop manquer dans ses poumons. Elle se débat. Essaye de repousser le gamin. Elle ne peut pas se laisser assassiner par un gamin de dix-sept ou dix-huit ans... Elle est plus forte que ça, plus intelligente.
Mais la situation est critique, elle le sait.

Finalement, alors qu'elle sent que son esprit est en train de partir, qu'elle va s'évanouir, et peut être pire, le plus âgé dit:

-Laisse-la respirer.

Le gamin attend encore quelque secondes par sadisme, puis retire sa main et de relève.
La jeune femme reprend son air à pleins poumons et se redresse assise. Elle cherche du bout des doigts le manche de son couteau dans les plis de sa robe, le cœur palpitant, mais le gamin fait alors tourner l'objet entre ses mains. Il lui a subtilisé lorsqu'il était sur elle...

-Qu'est-ce que vous voulez?
-A ton avis? demande simplement le cadet.

Colombe reste silencieuse, emplie de haine. L'ainé reprend:

-J'espère que ta blessure n'est pas trop grave. Mon frère ne t'avait pas vu, il n'a pas voulu te tuer.
-Je sais.
-Alors pourquoi es-tu si méfiante? Nous ne sommes que de humbles chasseurs. Nous sommes des hommes, avec des désirs d'hommes, simplement. Nous ne sommes pas des monstres.
-Des braconniers oui. Des hommes bien-sûr. Des monstres, non en effet. Vous êtes trop pathétiques pour ça.

L'ainé a un petit rire, puis le cadet semble s'agacer:

-Arrêtons de tourner autour du pot. Retire ta robe.
-Allez vous faire foutre bande de porcs.

L'ainé reprend la parole:

-Tu sais aussi bien que nous qu'on fera ce qu'on voudra de toi. Mais ça sera moins pénible pour toi si tu coopères.

La poitrine de Colombe est si serré qu'elle a l'impression de ne plus pouvoir respirer et de ne plus sentir son cœur battre.
La tension est insoutenable, mais dans un élan désespéré elle se lève d'un bond et se met à courir, laissant toute ses affaires sur place.

Elle ne se sent pas suivie, sent l'espoir recouvrir son âme à chaque nouvel en enjambée dans la nuit loin de ce trio infernal.
Mais soudain, une douleur insupportable lui foudroie le mollet. Elle s'effondre au sol, s'étale de tout son long, trébuche sur des racines et roule dans la terre sur plusieurs mètres avant de pousser un hurlement qui fait envoler les oiseaux de tous les arbres avoisinants.

Dans l'obscurité, elle observe sa jambe d'où la douleur fuse atrocement, et elle découvre une flèche traversant son mollet de part en part.

Elle ne peut plus se relever, ne peut plus fuir, tandis que les trois hommes s'approchent, le plus jeune son arc à la main.

Elle est la biche désormais. Et ils viennent pour l'achever.

ColombeWhere stories live. Discover now