Chap. 32

1.4K 149 3
                                    


Théodora avait eu tort. Le confinement de l'homme, des quelques serviteurs présents et d'elle-même n'avait pas suffit.
En revanche, elle avait eu raison. C'est bien la peste noire qui s'est abattue sur la région, le pays.
En l'espace de quelques jours seulement, les malades se comptèrent par dizaines. En deux semaines, ils sont désormais des centaines à demander pitié au ciel. Les cadavres s'accumulent dans les rues, les maisons, les châteaux. Personne n'est épargné, étant soi même touché ou en perdant parent, enfant, ami...

Et Colombe est seule. Seule face à tout ceci. Théodora est malade. Elle s'accroche, mais est incapable d'aider qui que ce soit désormais.
Alors on supplie Colombe d'aider, de soigner, de guérir, de faire un miracle. Mais la jeune femme a beau faire tout ce qu'elle peut, ne plus dormir, ne plus manger, passer son temps près des malades, bien loin de ce premier élan de prendre ses distances, elle ne peut rien contre ce fléau. Elle veut aider, de toute son âme elle le souhaite, mais pourtant elle n'y arrive pas. Rien ne s'améliore. Les gens meurent. Et elle est impuissante.
Pourtant, elle se refuse à baisser les bras. Elle veut se battre autant qu'elle le peut. Dans tout ce malheur, certaines personnes ne semblent pas tomber malade, même au contact des malades, elle ignore pourquoi, mais elle fait partie de ces miraculés. Le duc aussi, et quelques serviteurs. Tous ceux qui peuvent aider sont mis à contribution, pour nourrir, faire boire, rassurer, prier, s'occuper des enfants orphelins, enterrer les cadavres...

-Juliette, je suis là. On m'a prévenue. Tu es malade? Tu as de la fièvre?

Elle touche le front transpirant de sa jeune amie, celle qui est devenue maman il y a quelques semaines à peine.
La peau est chaude sous sa main, moite et tremblante. Colombe est inquiète. Mais Juliette lui retire avec faiblesse sa main de son visage et tend vers la guérisseuse son bébé emmailloté dans des linges beiges.

-N...non... pas moi... Nicolas.

Sa voix est faible, à bout de forces. Colombe remarque alors un furoncle énorme sur la poitrine de la malade. Aucun doute, la peste l'a touchée.
Colombe prend le petit dans ses bras. Il est endormi.

-Je me suis réveillée et je... je... il ne veut pas se réveiller Colombe...

Colombe découvre les draps qui entourent le nourrisson, et découvre sur le petit corps les mêmes furoncles noirs caractéristiques. Sa peau est froide, ses membres mous et inertes. En un seul regard Colombe comprend...
Elle relève des yeux embués de larmes vers Juliette.

-Je suis tellement désolée Juliette...

La jeune mère refuse d'écouter, elle reprend son fils dans ses bras.

-Non! Tu mens! Tu mens!

Elle berce son enfant mort, en disant son nom et essayant de le réveiller, mais le petit bras continue de pendouiller mollement hors du tissu.

-Juliette... tu es malade. Je dois regar...

Elle la coupe, en hurlant de sa voix si faible et brisée:

-Non! Vas t'en! Vas t'en! lui crache-t'elle avec la haine la plus farouche dans le regard.

Colombe essaye de rester calme, mais elle n'y arrive plus. Les sanglots la submergent et elle quitte la chambre aussitôt, avant de s'effondrer en larmes dans le couloir.

-Colombe.

Elle sursaute. Se redresse en voyant Ambroise apparaître à côté d'elle. Elle essuie vite les larmes sur ses joues et tente de se reprendre.

-Ambroise...
-Que se passe-t'il?
-Je... rien... je...

Elle essaye de toutes ses forces de contenir ses larmes, mais elle n'y arrive pas et se remet à pleurer par sanglots.

-C'est le bébé de Juliette... il est... il est...

Elle n'arrive pas à le dire et s'étouffe dans ses sanglots. Ambroise se racle la gorge, lui aussi ému par cette nouvelle. Ne trouvant pas les mots il vient doucement envelopper Colombe entre ses bras et la jeune femme se laisse aller avec désespoir à cette étreinte salvatrice.

ColombeWhere stories live. Discover now