Chap. 14

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• Janvier 1348 •

Colombe est mariée depuis quatre mois maintenant. L'hiver est tombé. Les jours sont courts et les nuits interminables.

-Comment vas-tu?
-Bien.
-Tu mens.

La jeune femme est venue, pour la seconde fois seulement, rendre visite à sa sœur et apporter un panier de vivres à la famille d'Anastase. Cette fois, un garde l'accompagne, mais il a accepté de rester à l'extérieur de la maison. Walderic estime que ces rares visites sont largement suffisantes, et même trop. Colombe a essayé de le convaincre mais sa décision était déjà prise et elle sentait que si elle insistait il était capable de lui en autoriser encore moins, alors elle n'a rien ajouté.

Agnès, la mère et les sœurs d'Anastase (qui ignoraient sa venue) sont au marcher, et les deux anciens amants sont donc seul à seule en attendant leur retour.

-Non je t'assure, je vais bien.
-Pourquoi tu portes cette tenue. Je ne t'ai jamais vue habillée comme ça. Tu n'aimes pas te sentir prisonnière dans un vêtement.
-Il fait froid.
-Tu mens encore.

Il tend son bras vers elle et avant qu'elle n'est le temps d'envoyer son geste il découvre son voile qui cachait une partie de son visage.
Colombe baisse les yeux, tandis que ceux du jeune homme s'assombrissent.

-Il te bat...

Ce n'était pas une question.
Elle replace le voile autour de sa tête, pour cacher les hématomes sur son visage et son cou.

-Il a dit que je lisais trop et qu'il songeait à me faire arrêter cette activité stupide. J'ai répondu que je n'avais pas de leçon à recevoir d'un illettré qui confondait « littérature » et « littoral ». Il n'a pas trop apprécié visiblement haha.

Elle a un petit rire, mais Anastase lui ne le partage pas du tout.

-Il « n'apprécie pas » des choses régulièrement?

Colombe se racle la gorge, détourne son regard.

-Ça a commence avec ma dernière visite ici. Et puis disons que depuis ces trois derniers mois... ça a empiré. Mais je ne suis pas surprise, je savais très bien que ça se passerait exactement comme ça. Mais et toi? Comment vas-tu?

Il se lève brusquement:

-Comment veux tu que j'aille?! Tu es enfermée dans cette cage dorée avec ce porc, et moi je suis là. Sans toi.

Colombe se lève aussi, vient prendre sa main dans les siennes.

-S'il te plaît ne t'énerve pas. Je n'en peux plus des hommes en colère. A croire que c'est la seule émotion dont ils sont capables. Je veux voir autre chose.
-Alors vois ma tristesse. Car je n'ai rien d'autre à te donner aujourd'hui...

Il retourne s'assoir près du feu, dos à elle. Colombe pousse un long soupir de tristesse, et reste debout derrière lui.

-Je l'ai supplié de me laisser venir aujourd'hui, et il a fini par accepter, après ces trois mois à me dire non. Mais je ne peux pas rester longtemps, je ne peux pas attendre le retour des filles. S'il te plaît, dit à Agnès que je l'aime, que je veille sur elle, même de là-bas.

Elle prend sa cape et la remet sur ses épaules, prête à repartir. Et alors il demande:

-Pourquoi particulièrement aujourd'hui?
-... Parce que... je ne suis pas certaine de vous revoir.

Anastase se relève brusquement. Va jusqu'à elle.

-Qu'est-ce que tu veux dire par là?
-Je suis enceinte.

Mille émotions passent sur le visage du jeune homme, même si bien sûr, il savait que ça finirait par arriver.

-Il le sait?
-Non. Et il ne sera pas père. Comme je ne serai pas mère.
-Qu...quoi?
-Je ne peux pas Anastase. Je ne peux pas vivre ça. Je vais régler le problème.

Elle s'apprête à sortir. Il l'arrête en prenant son bras, un masque d'horreur sur le visage.

-Tu ne peux pas faire ça! Tu risques de mourir!
-Je sais... Mais je préfère mourir ainsi que d'enfanter cette chose. C'est pour ça que je devais venir aujourd'hui. Pour vous dire, te dire au revoir. Ce soir, je vais faire ce que j'ai à faire.

Colombe est calme. Trop calme.
Elle pose sa main un instant sur la joue du jeune homme.

-Au revoir Anastase. Peut-être adieu.

Et sur ces mots, elle quitte la maison.

ColombeWhere stories live. Discover now