Chap. 27

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-Bon et surtout n'oublie pas, lève-toi le moins possible, et mange bien. Tu as besoin de forces. Dans quelques jours ton bébé sera là...

La jeune femme au ventre énorme et tendu sourit à Théodora, sa main dans la sienne. Colombe les observe en léger retrait.
La nuit est déjà tombée depuis un moment. Les deux femmes ont passé leur journée à aller d'un bout à l'autre du château pour rendre visite à tous les patients de Théodora, et peu à peu Colombe a réalisé à quel point le palais du duc était en réalité devenu un véritable histoire, ouvert aux nobles comme aux mendiants. Tout le monde semble profondément respecter et même aimer Théodora. Elle est en effet rassurante, à l'écoute, efficace, mais également stricte et droite. Elle croit les douleurs mais refuse l'apitoiement. Elle comprend les maux mais tient à être toujours positive et pleine d'encouragements et de vie.
En une simple journée, Colombe a davantage appris que durant toute sa vie. Pas au sujet des plantes ou de soins en tant que tels (même si elle a appris également à ce sujet) mais en particulier en ce qui concerne le lien de guérisseuse à patient. Elle le comprend plus que jamais maintenant: ce lien est aussi important pour la guérison que la médication.

A passer la journée à bouger sans faire une pause un instant, les jambes de Colombe sont tout à fait épuisées. Mais elle refuse de se plaindre ou exiger un instant pour se reposer, trop reconnaissante de l'opportunité que Théodora lui a offerte et qu'elle a en plus faillit refuser. De plus, elle ne l'a pas réalisé, mais elle n'a pas pensé à ses malheurs, à sa sœur et à Anastase de toute la journée...

-Nous repasserons demain Juliette. Repose-toi bien. S'il y a le moindre problème fais moi appeler.

La future maman est plus jeune que Colombe, elle en mettrait sa main à couper. Son visage est juvénile et ses expressions douces et naïves.
Elle hoche la tête et sourit:

-Merci beaucoup...

Puis à l'adresse de Colombe:

-À vous aussi.
-...Oh mais je... je n'ai rien fait... s'étonne la jeune femme qui n'avait en effet fait qu'observer.

Théodora l'invite à sortir après un dernier sourire à Juliette, et elle referme la porte.

-Ta présence a du lui faire quelque chose de positif. Ne sois pas humble lorsqu'on te remercie, prends simplement le compliment. La plupart des gens qui viennent ici n'ont plus de famille et n'ont nulle part d'autre où aller. Ils ont besoin de se sentir écoutés et compris.

Colombe hoche vivement la tête, et regrette de n'avoir rien pour prendre des notes. Avec cette si grosse journée elle aurait eu des pages entières à remplir sur la sagesse de Théodora. Cette femme l'impressionne un peu plus à chaque instant.

-La journée a été longue, nous avons fini pour aujourd'hui. Alors dis-moi: qu'en as-tu pensé?
-Oh c'était... que dire? C'était incroyable! Tant de personnes, tant de cas différents et tu sembles toujours savoir quoi faire. (Au fil de la journée, Théodora lui avait presque ordonné de la tutoyer; qu'elle n'était pas sa supérieure.) J'aurais été perdue mille fois à ta place. Et puis tu es si rassurante. J'ai énormément appris et il y aurait encore tellement de chose sa savoir...

Théodora semble satisfaite et lui sourit:

-Alors voilà. Tu n'as plus aucune raison de partir maintenant.
-Oh... mais je ne pense pas à être à la hauteur de...

Elle la coupe:

-Je veux que tu apprennes avec moi. Et rapidement tu pourras faire tout ceci seule. Il y a tant de monde à soigner. Et chaque jour plus de gens viennent. Je suis de plus en plus dépassée, je ne peux plus gérer ça toute seule.

Colombe sourit à son tour, sincèrement reconnaissante et heureuse. Elle sent les larmes lui monter aux yeux.

-Si tu savais le bien que cela me fait d'avoir rencontré une personne comme toi. Dans mon village ce que je faisais était si... mal perçu. Ils ont voulu me tuer pour ça. Et ici tout le monde comprend.
-J'ai gagné peu à peu leur confiance. Mais elle est fragile. Mon statut de soeur du duc est très pratique bien-sûr. Ailleurs, dans d'autres circonstances, peut-être que moi aussi j'aurais été accusée de sorcellerie. Nous restons des femmes, dans un monde d'hommes. Ne l'oublie jamais. Nous ne sommes jamais à l'abris. Nulle part. Pas même ici. Mais ensemble, nous serons plus forte. Alors, qu'en dis-tu?

Théodora tend sa main à Colombe, qui sans hésiter vient la serrer dans la sienne. L'accord est conclus: elle restera ici.

ColombeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant