Chap. 23

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-Colombe!

La jeune femme se réveille en sursaut. Elle se redresse sur son lit et découvre sa chère sœur qui vient d'entrer dans la pièce. Cette dernière se jette sur elle, en larmes, et Colombe l'imite en la serrant de toutes ses forces contre son cœur.

-Oh Agnès! Tu es sauve!

Elle desserre son étreinte et presse ses épaules entre ses doigts pour l'observer.

-Tu n'as rien? Tu n'es pas blessée?

Le visage d'Agnès pâlit:

-Et bien... Tu es partie et...

La jeune fille attrape lentement les jupons de sa robe et relève jusqu'à ses genoux. Colombe découvre alors avec horreur ses petits mollets fondus et à vif, brûlés jusqu'aux os.

-Il leur fallait bien une autre sorcière à brûler...

L'effroi le plus absolu foudroie Colombe, et après une grimace d'horreur elle ne parvient plus qu'à une chose: hurler. Hurler de toutes ses tripes, de tout son être, à pleins poumons.

-Colombe!

La jeune femme se réveille en sursaut. Elle se redresse sur son lit et découvre au dessus d'elle, dans l'obscurité de la nuit, son sauveur: Ambroise. Il la tient par les épaules, le visage inquiet, comme elle tenait elle-même sa sœur dans son cauchemar. Elle sent qu'elle est trempée de sueur, pourtant elle a si froid, tout en ayant des bouffées de chaleur insupportables.

-A...Agnès? réussit-elle à balbutier.

Pour toute réponse le duc pose sa main sur le front grelottant de la jeune paysanne.

-Tu as de la fièvre. Tes blessures doivent être en train de s'infecter. Je vais faire appeler ma sœur.
Elle va te soigner.

Il veut s'éloigner mais elle le retient en s'accrochant à ses manches. Elle n'arrive pas à parler mais son regard veut tout dire. Ambroise pose ses mains sur les siennes pour la rassurer:

-Elle va très bien, ne t'en fais pas. Elle est ici mais elle viendra te voir quand tu iras mieux, d'accord? Tu dois te laisser soigner et te reposer...

Colombe lâche la chemise de l'homme et rassurée, elle se laisse de nouveau aller à sa fièvre.
Sa vision est trouble, elle a du mal à distinguer le vrai du faux. Des silhouettes troubles vont et viennent dans la chambre, touchent ses jambes, soignent sa peau, lui font boire des mixtures immondes qu'elle aimerait refuser.
La fièvre l'empêche de trop souffrir de ses plaies, mais sa tête est dans un étau insupportable. Finalement, après un long délire douloureux, c'est le noir total: elle perd connaissance, redevient paisible.

Lorsqu'elle se réveille, elle met plusieurs longues secondes à retrouver une vision claire, et encore davantage pour comprendre où elle se trouve. Elle a l'impression de passer toute son existence à se réveiller de sommeils sans réveil, dans des lieux inconnus, toujours cette même peur au ventre.
Une servante est assise sur une chaise à côté du lit.

-Oh vous êtes réveillée!

La femme ne laisse pas le temps à Colombe de poser la moindre question et disparaît. Quelques minutes plus tard, Théodora entre. Elle s'approche de sa patiente et pose sa main sur son front.

-Ta fièvre a baissé. Tu as l'air d'aller mieux.
-Combien... (sa bouche est pâteuse, sa gorge sèche. Elle tousse. Théodora lui tend un bol d'eau. Elle boit. Reprend.) Combien de temps ai-je dormi?
-Plusieurs jours. Tes blessures étaient plus graves que je ne pensais, l'infection a faillit t'emporter.

Colombe boit encore, plus assoiffée que jamais.

-Je veux voir Agnès.
-Agnès?
-Ma soeur. Votre frère m'a dit qu'elle allait bien.
-Oh... oui. Agnès. Ne bouge pas. Je vais le faire venir.
-« La » faire venir.

Théodora lui lange un regard en coin avant de quitter la pièce dans ajouter un mot.
Colombe se redresse maladroitement dans son lit. Elle soulève la couverture, regarde ses jambes. La chair est à vif, et des cataplasmes recouvrent ses blessures. Elle remue les pieds, elle y arrive sans difficulté, et ils semblent de la bonne couleur. Elle ne va pas finir estropiée, elle doit des jambes et sa vie à cette femme qui était là il y a un instant. Elle se promet de la remercier la prochaine fois qu'elle la verra. Et aussi de lui demander ses secrets. Visiblement elle est une bien meilleure guérisseuse que elle-même ne l'a jamais été. Elle aurait énormément à apprendre d'elle...

La porte grince. Colombe sort de ses pensées, un large sourire sur le visage, prête à accueillir dans ses bras sa cadette.
Mais au lieu de découvrir le visage d'Agnès, c'est Ambroise qui apparaît. Colombe tente de cacher sa déception.

-Monsieur le duc...
-Il n'y a pas besoin de tant de cérémonies. Tu peux m'appeler par mon prénom. Tu as l'air d'aller mieux, je suis soulagé.
-...Oui. Merci Monsieur le Duc. (Elle ignore sa demande, car après tout un noble est un noble, et se doit d'être respecté comme tel). Pour tout. Où est ma sœur?

L'expression qui passe sur le visage de l'homme ne plaît pas à Colombe. Il s'approche d'elle et vient s'assoir sur la chaise à côté du lit.

-Tu étais malade, et tu refusais de te calmer. Je devais faire le nécessaire pour que Théodora puisse te sauver.
-...Où est Agnès?
-Écoute, je...
-Répondez-moi! Où est-elle?

Cette fois, Colombe n'a que faire de parler correctement à cet homme, duc ou non. Elle veut savoir. Elle a besoin de connaître la vérité.

-Nous sommes retournés dans ton village. Mais nous n'avons pas pu la ramener. 
-Pourquoi? Que lui est-il arrivé? Elle va bien? Elle est en vie?!
-Oui oui, elle est vivante, calme-toi.
-Ne me dites pas de me calmer et répondez à la fin!

Devant l'empressement et la colère de la jeune femme, Ambroise ne peut plus reculer l'annonce. Il lâche sans plus de pincettes:

-Elle est désormais l'épouse de celui qui était ton mari.

ColombeWhere stories live. Discover now