Chap. 44

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• Octobre 1348 •

Cela fait près d'un mois que Colombe est la captive des trois frères, n'a vu aucun autre humain qu'eux, et comme elle l'avait dit: elle leur est bien utile.
Sa jambe a bien guéri, même si la douleur est encore tenace dans certains mouvements et qu'elle est obligée de boiter pour éviter de trop souffrir.
Ils bougent en permanence, ne reste jamais au même endroit plus de vingt-quatre heures. Les suivre est compliqué, épuisant, mais la jeune femme n'a pas le choix. Elle est surveillée le jour et attachée la nuit. Même pour faire ses besoins l'un des trois garde toujours un œil sur elle, surtout depuis qu'elle peut remarcher sans canne, au cas où elle déciderait de se faire la malle.
Le jour elle marche donc, cueille des plantes pour sa guérison, pour leurs repas, et en prévention pour les faire sécher et en garder dans son sac. Eux chassent - surtout Jean -, dépècent la viande, tannent les peaux, taillent les os, et Colombe leur cuisine la chair. En réalité elle a menti, elle ne sait pas particulièrement cuisiner et elle déteste ça, mais elle s'était dit que ses discutables talents de cuisinière suffiraient à les satisfaire et c'est en effet le cas.
La nuit, elle se fait violer, et essaye de dormir le reste du temps, malgré les cauchemars et les douleurs de son corps.

Urbain la méprise, la viole quotidiennement, la frappe à la moindre contrariété et refuse quasiment toute autre chose qui vient d'elle. Lorsqu'il mange ce qu'elle prépare, il exige qu'elle goûte avant pour être certaine qu'elle n'essaye pas de l'empoisonner.
Jean, lui, s'est habitué à elle. Il n'est plus constamment sur la défensive et semble même parfois l'apprécier un peu, surtout depuis qu'elle a soigné une plaie infectée à son pied qui refusait de s'améliorer, qu'il avait depuis longtemps à cause d'une chasse qui avait mal tourné. Malheureusement, si elle pensait que ce gamin de dix-sept ans commençait à s'attacher à elle comme une grande sœur ou une figure amicale, la réalité la rattrapa vite. Ne la voyant plus comme une poupée sans âme, il entrepris de nouveau de coucher avec elle, et cette fois-ci il n'eut aucun problème d'erection. Tout jeune, les joies du sexe lui sont assez nouvelles et le benjamin ne peut plus s'en passer. Alors chaque nuit depuis les deux dernières semaines, dès qu'il entend Urbain finir (estimant sans doute qu'il a la priorité dû à son âge plus avancé) il se précipite à son tour entre les cuisses encore ouvertes et souillées de Colombe.
De même, cette dernière se laisse faire. Mais si Urbain est brutal et violent, lui est plus doux et surtout presque sentimental, lui murmurant parfois avant de jouir des paroles à l'oreille, la complimentant sur son physique et lui faisant des déclarations d'amour étranges et bancales.
Colombe sait que c'est dû à son âge, à son immaturité, mais cela la dégoûte. Elle préfère encore les viole d'Urbain, car au moins la douleur est un moteur, et elle peut le détester de tout son être. Jean, lui, est autant un porc que son grand frère, mais avec la naïveté du marcassin. Parfois, elle se demande s'il pense qu'elle aime ce qu'il lui fait, qu'elle est consentante, qu'elle prend autant de plaisir que lui. Et il semblerait qu'en effet il le croit, ou du moins essaye de s'en convaincre.

Tristan en revanche, depuis la première nuit où il l'a violée, celle où la flèche a transpercé sa jambe, ne l'a pas retouchée. Il peut discuter avec elle, s'intéresser à ses savoirs, lui poser des questions sur sa vie même si elle n'y répond jamais, l'aider dans certaines tâches qu'elle doit effectuer et faire preuve d'un semblant de compassion. Néanmoins tous ces gestes n'empêchent pas Colombe de le haïr autant que les autres. Il l'a violée, a voulu la tuer, l'a condamnée à être leur esclave et lorsqu'elle se fait violer ou frapper par ses frères, il ne fait rien pour les en empêcher.

Colombe a survécu à leur tentative de meurtre, et elle s'en sortira tout court, elle le sait, elle se le jure. Un jour ils auront tout à fait confiance en elle. Un jour elle pourra les tuer, les uns après les autres. Mais d'abord elle doit tout à fait guérir. Elle doit pouvoir les vaincre. Elle y arrivera. Mais elle doit être patiente. Ne pas se précipiter, elle n'aura pas d'autre chance.
Souffrir, en silence, attendre. Puis frapper.

ColombeWhere stories live. Discover now