Chap. 8

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-Ce n'est pas trop tôt, j'ai cru que vous les aviez laissées filer. Détachez-la.

Le garde qui avait transporté Colombe défait aussitôt les liens à ses poignets.

-Et ma sœur?
-Chaque chose en son temps. Tu es bien prétentieuse d'exiger quoi que ce soit alors que tu allais t'enfuir et ne pas tenir ta promesse.

Le comte est calme, ce qui ne le rend qu'encore plus effrayant, mais Colombe refuse de baisser les yeux et maintient son regarde bien fixé dans le siens sans dire un mot.

-Laissez-nous.

La jeune femme frémit. Elle ne veut pas se retrouver seule avec lui, mais que peut-elle faire? Les gardes sortent du salon du petit château, emportant Agnès avec eux, les joues encore humides de ses larmes passées.

Le comte s'approche alors de Colombe, tout près d'elle. Il lève la main et aussitôt elle a un mouvement de recule, mais il se contente de venir caresser sa joue.

-Tu as donc si peur de moi? Je n'ai aucune intention de te frapper tu sais.
-Pourtant vous n'avez pas hésité à faire arrêter ma sœur pour vol, puis nous kidnapper en pleine forêt. Je ne vois pas ce qu'il y a de choquant à imaginer que vous puissiez me frapper...

Walderic pousse un petit rire puis enroule une des mèches des longs cheveux châtains de la jeune femme autour de son doigt.

-Tu es intelligente.
-Je sais.
-Tu es prétentieuse.
-Je suis réaliste.

Le sourire de l'homme s'étire encore. Il a toujours aimé son audace, c'est peut-être même ce qu'il préfère chez elle. Enfin... après la courbe de ses seins lourds et gonflés à travers le tissu de sa robe.

-Tu allais partir donc.
-Je ne veux pas vous épouser. Vous vous doutiez bien que mon opinion n'allait pas changer malgré votre chantage.
-Évidement. C'est pour ça que je t'ai fait surveiller...
-Vous voulez que je vous félicite?

Il se met à tourner autour d'elle lentement, pour admirer chaque centimètres de sa silhouette. Colombe reste de marbre, prend sur elle pour ne pas réagir en sentant son regard immonde sur elle.

-Non bien-sûr. Mais accepte ta défaite. Nous nous marions demain.
-Pourquoi voulez-vous m'épouser? Nous serons malheureux, l'un comme l'autre.
-Nous ne serons pas malheureux.
-Bien-sûr que si, ne soyez pas si naïf.

Il s'arrête face à elle, tout près de son visage, approche le siens, en posant sa main sur sa joue puis sa nuque pour l'empêcher de reculer. Colombe ferme les yeux, écœurée par son souffle chaud sur elle. Il ne sent pas mauvais, mais elle n'aime pas son odeur, ce n'est pas celle d'Anastase.
Il s'arrête à quelques millimètres de sa bouche, mais ne fait rien. Elle rouvre les yeux. Ils sont si près l'un de l'autre.

-Dis-moi la vérité: qui y a t'il entre toi et le gamin?
-Le gamin?
-Celui qui t'a accompagnée pour quémander la libération de ta sœur. Celui qui t'attendait si fidèlement dans la forêt.

Colombe se fige. Elle pensait qu'il n'était pas venu, ou simplement qu'en voyant les hommes armés il s'était caché ou enfuit. Elle n'avait pas imaginé qu'en fait lui aussi avait été piégé et attrapé comme elles l'ont été.

-C'est mon ami.
-Quel genre d'ami?
-Le genre d'ami fraternel.
-Pourtant il t'aime, il faudrait être aveugle pour ne pas le voir.
-Il m'aime comme une sœur. Je l'aime comme un frère.

Colombe a toujours un bien menti, mais ce soir, c'est son plus grand rôle. La vérité émane de chacune de ses paroles sans le moindre vacillement.
Walderic l'observe, les yeux plissés.
La jeune femme reprend:

-Si vous lui faites du mal autant me tuer tout de suite plutôt que m'épouser.
-Pourquoi lui ferais-je du mal puisqu'il est comme un frère pour toi?
-Vous avez bien voulu faire du mal à ma sœur.
-Certes. Mais nous commettons tous des erreurs. Elle n'a rien à craindre si tu tiens ta promesse. Tout comme lui.

Colombe est prise dans un étau. Elle ne peut plus fuir ou éviter ce qui va arriver. Elle en tremble presque de rage.

-Tu dois aller te reposer, pour être magnifique demain. Ne t'inquiète, tout va être préparé. Tu as une chambre dans le château bien-sûr. Deux hommes garderont ta porte, afin qu'il ne t'arrive rien.
-Afin que je ne disparaisse pas, vous voulez dire.

Le comte ne relève pas la remarque et continue:

-Avant que tu ailles au lit, j'ai une question à te poser.
-Ai-je vraiment le choix, ironise-t-elle.
-Es-tu vierge?

La question si inattendue foudroie Colombe sur place. Qu'attend-t-il comme réponse? Un oui le satisfera, et un non pourrait la libérer s'il ne veut plus d'elle. Mais il pourrait alors abattre sa colère sur Agnès et Anastase. Elle ne peut pas prendre ce risque...

-Si vous me connaissiez ne serait-ce qu'un tant soit peu, vous sauriez que les choses de la chair ne m'intéressent pas. Mon plaisir réside dans le savoir, pas dans des choses si grotesques. Et qui plus est, c'est un péché.

Sans doute le plus énorme mensonge qu'elle ait pu dire. Elle aime le sexe peut-être presque autant qu'apprendre, et les péchés lui importent bien peu puisque qu'elle est athée. Mais bien-sûr dire l'une ou l'autre de ces choses pourrait lui coûter un aller tout droit sur un bûcher.

Walderic semble satisfait de sa réponse. Il lui fait signe de disposer, tandis qu'un garde entre pour sans doute la conduire à sa chambre.
Mais juste avant qu'elle ne quitte la pièce, le comte lui dit:

-Demain soir, les choses de la chair ne te seront plus étrangères, et tu verras, tu aimeras ça.

Colombe sent son ventre se serrer sous sa robe.

ColombeWhere stories live. Discover now