Chap. 19

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Le bourreau installe les fagots de bois tout autour des jambes de Colombe, impuissante.
La jeune femme pleure, crie, supplie, se débat. La foule hurle, crache, lève le poing de rage contre cette sorcière qui vivait paisiblement parmi eux.
Anastase a disparu. Agnès est la seule à pleurer et crier de désespoir.
Le bourreau s'approche avec une torche, allume le bûcher.
Colombe hurle de toutes ses forces, à s'en déchirer les poumons. Mais vite, trop vite, les flammes viennent lécher ses mollets. Elle hurle de terreur. Puis rapidement de douleur.

-Pitié! Je vous en supplie! Ne faites pas ça! Pitié! Pitié!

Mais personne n'écoute, et ses supplications de perdent dans les flots d'insultes. « Putain . « Sorcière »...

Soudain, le son d'un corne militaire, puissant.
Les cris de la foule cessent et tous se retournent vers ce bruit qui inattendu. Seuls les hurlements de Colombe continuent, tandis que les flammes dévorent sa mince robe et la chair de ses cuisses.
Une dizaine d'hommes pénètrent à cheval sur la place, et l'un d'eux se détachent pour fendre la foule qui se sépare à son passage. Il arrive jusqu'au bûcher, saute sur l'estrade et sort une dague de sa ceinture.

-Mais qu'est-ce que vous faites?! s'offusque le prêtre dans un cri aigu.

L'homme à la cape brodée de fils d'or et à la dague sertie de rubis ne répond rien et tranche les liens de Colombe qui s'effondre dans ses bras, évanouie. Il la soulève dans ses bras et la sort des flammes avant de retourner sur son cheval, la jeune femme toujours entre ses bras.

Tout s'est passé si vite que personne n'a eu le temps de réagir. Walderic se lève de son siège en hurlant de rage:

-Que faites vous?! Cette sorcière a été condamnée! Gardes! Tuez ces hommes!

Le sauveur de Colombe pousse alors un petit rire narquois, et lorsque des gardes s'approchent les autres hommes à cheval s'élancent vers eux, épées brandies. L'un d'eux prend alors la parole avec une autorité qui glace le sang de tout à chacun:

-Bandes de vaurien! Protestez-vous! Prosternez-vous devant votre Duc!

Des sursauts, des murmures.
Walderic ne comprend pas.

-Le Duc?! Non, je le connais. Vous n'êtes pas...

Le sauveur, aux cheveux noirs qui tombent sur ses oreilles, et au regard malicieux, le coupe:

-Alfred Duc De la Loire? Non en effet. Je suis son fils. Ambroise. Mon père est mort il y a moins d'un mois. Dois-je vous faire l'audace de vous expliquer le principe de succession?

Walderic devient pâle comme un linge, et sans attendre se prosterne.
Aussitôt, paysans, marchants, soldats et prêtres l'imitent.

-Voilà qui est mieux... Allons allons, vous pouvez vous redresser, vous allez vous briser le dos mon brave, dit-il avec un rictus à l'attention du comte.

Ce dernier obéit, avec un sourire gêné. Il observe ce nouveau duc, et en effet il remarque une ressemblance avec son défunt père. Dans les alentours de vingt-sept ou vingt-huit ans, Walderic lui imagine néanmoins la sagesse en moins et l'égo en plus.

Le prêtre, toujours sur l'estrade, n'en démord néanmoins pas:

-Mon Seigneur, je suis désolé mais cette femme est une sorcière! Vous ne devriez même pas la toucher, c'est dangereux, elle pourrait vous ensorceler.
-Hum ah oui? Pourtant c'est elle qui était en train de brûler. N'est-ce pas plutôt vous le danger mon père?

Des murmures choqués. Le Duc vient-il de blasphémer?!
Walderic se rajoute à la conversation:

-Mon Seigneur, il a raison. Elle m'a moi-même ensorcelé pour me forcer à l'épouser. Ce n'était qu'une paysanne pourtant.

Le Duc observe Colombe, endormie dans ses bras.

-Hum... une très jolie paysanne. N'avez vous pas plutôt cédé à sa beauté? Vous a-t'elle violé durant votre nuit de noces?

Cette fois, des éclats de rire de la foule, et le comte rougit comme un enfant honteux.

-Et sinon, sur quoi repose sa condamnation?
-Elle a tué l'enfant dans son ventre! crie le prêtre, dont les veines du front sont prêtes à exploser.
-Oh. Il était de vous? demande-t'il au comte.
-... Oui... je...
-Hum. Une raison suffisante pour vouloir s'en débarrasser, ça explique tout.

Nouveaux éclats de rire de la foule hilare.
La honte laisse place à la rage la plus ferme dans l'âme de Walderic.

-D'autres choses?
-Elle s'accouple à des animaux! Des boucs! Le diable!
-C'est qu'elle ne devait vraiment pas être satisfaite par son mari, c'est bien triste...

Cette fois, la foule ne peut plus s'arrêter de hurler de rire. Il lui faut plusieurs longues minutes pour retrouver un peu de calme.

-Je suis venu pour me présenter aux différents comtés de mon duchés et je repars avec une sorcière... que d'aventure. Je suis navré mais nous ne nous attardons pas, nous voulons rentrer au château avant la nuit. Cher comte, je suis ravi d'avoir fait votre connaissance... ainsi que celle de votre épouse. A bientôt mon brave.

Et sur ces mots il fait repartir son cheval, Colombe entre ses bras, ses hommes d'armes fidèles au galop derrière lui.

ColombeWhere stories live. Discover now