Destiny

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        Le silence était maître en ces lieux. La pièce était simple d'apparence, ne contenant qu'un simple bureau à tiroir et un cadre, cela semblait difficile d'imaginer qu'elle appartenait à un grand concepteur. Laurens March, paisiblement installé dans sa chaise de bureau, reposa son verre de whisky. Le tout sans même faire tinter les glaçons qui étaient restés au fond. Il s'humecta les lèvres, goûtant une dernière fois la saveur de l'alcool. Déjà, ses muscles se détendaient, ce qui lui fit le plus grand bien.

         Installé comme à son habitude dans la pénombre la plus totale, la lumière lui provoquant de violentes migraines. À quand remontait ce phénomène étrange ? Difficile à dire. Aussi loin qu'il s'en souvenait, la lumière avait toujours provoqué en lui cette sensation désagréable de ne pas être à sa place. Pensif, il posa ses coudes sur les reposes-bras de son siège tandis que son cœur martelait sa poitrine.

Boum-boum. Boum-boum.

    L'excitation le rendait nerveux. Cela faisait tant d'années qu'il attendait ce moment et maintenant que son souhait était sur le point de se réaliser, il chérissait l'instant du mieux qu'il le pouvait. Son image se refléta alors dans la porte vitrée de son bureau, lui permettant d'immortaliser son expression à cet instant précis. M. March, s'approchait doucement de la cinquantaine, les mêmes désirs pourtant dans son esprit. Il faisait partie de ces individus qui portaient un grand soin à leur apparence, ses cheveux parfaitement coiffés, accompagnés d'une barbe courtes, presque à ras pour tout dire. Comme à son habitude, sa tenue vestimentaire était un simple costume qu'il n'avait nulle difficulté à s'offrir, accompagné de chaussures soigneusement cirées.

         L'une de ses mains trembla légèrement, l'absence de nicotine commençait à lui peser, mais il avait promis à son épouse d'arrêter et M. March, faisait parti des individus qui tenaient leurs promesses, au plus grand détriment de certains. N'avait-il pas ainsi réussi à mettre la majeure partie de ses concurrents à genoux ? Remportant les prix et les trophées qui s'alignaient dans le placard de son salon. Ils ne représentaient rien pour lui, leur présence était inutile à lui rappeler son succès. C'était sa détermination qui était à l'origine de tout cela et rien d'autre. Stephen faisait parti de ceux qui pouvaient se vanter d'avoir réussi sans venir d'une famille de la haute société.

    Une jeune femme ouvrit la porte de son bureau, signalant sa présence d'un gracieux raclement de gorge. Stephen leva ses yeux bleus, encadrés par une monture noire, sa myopie s'étant renforcée, sur son assistante. Il croisa ses mains, hochant doucement la tête pour lui indiquer qu'elle pouvait prendre la parole. Un nouveau raclement de gorge fut la première chose qu'il entendit en guise de réponse avant que la voix cristalline de la jeune femme ne brise à nouveau ce silence tant apprécié..

— Monsieur, les informaticiens sont prêts à le lancer.

Boum-boum. Boum-boum.

      Il tenta de contenir un sourire de satisfaction, tandis que dans sa poitrine son cœur battait encore plus vite. Cependant, Mr. March sentait que quelque chose n'allait pas, un futile détail allait contrarier ses plans, il le sentait venir tel une bombe à retardement. Ses sourcils se froncèrent en voyant Marta joueur nerveusement avec ses mains. Il se pencha sur son bureau, toute ouïe aux paroles qui allaient suivre.

— M. March, il y a eu... un problème, finit-elle par lâcher face au silence de son supérieur.

     Ce dernier poussa un léger grommellement. Les problèmes ne faisaient pas partis de son quotidien, il avait pour habitude de les balayer d'un revers de main, réfutant l'affront. Mais Marta avait piqué son intérêt à vif. Il pinça les lèvres, prenant sur lui.

— Quel genre de problème ?

      De plus, en plus mal à l'aise, la jeune femme évitait tout contact visuel.

— Il semblerait que le jeu refuse d'adopter les paramètres que le groupe technique essaye de lui imposer.

      Elle marqua une pause, visiblement hésitante, avant de reprendre.

— Il y a autre chose...

— Quoi encore ? demanda-t-il de plus en plus agacé.

   Cette fois Marta le regarda droit dans les yeux, ne cherchant plus à se dérober, craignant sûrement qu'il ne s'énerve un peu plus. Après tout par le passé ne lui avait-il pas déjà fait remarquer qu'il détestait les personnes incapables d'affronter un regard ?

— Le jeu a déjà créé de lui-même de nombreux profils ainsi qu'un classement.

  Un sourire carnassier étira les lèvres de M. March, les choses prenaient une tournure inattendue. Il reposa son dos dans son fauteuil, laissant ce dernier partir légèrement vers l'arrière tandis que machinalement ses jambes se croisaient.

— Fascinant... Dites-moi Marta, qui est en tête de ce fameux classement ?

   Visiblement amère d'avoir apporté ces nouvelles au concepteur, la jeune femme sorti un dossier de la pile qu'elle transportait continuellement et le posa sur le bureau de son employeur. Il n'était certes pas très épais, mais trouver ce peu d'informations avait dû lui demander de nombreux efforts.

— Mademoiselle Kynriel Wayne, également connu dans le monde des jeux sous le pseudo de CurseKyn, répondit poliment la jeune femme une légère pointe de fierté dans la voix.

  Tout en écoutant ces explications, M. March ouvrit le dossier et observa la photo de l'adolescente. Il y avait peu d'informations, malheureusement comme il s'y attendait. Deux pages entières recto-verso étaient consacrées aux jeux auxquels la joueuse s'était inscrite, avec le classement à côté. Force était de constater qu'elle n'occupait que d'excellentes positions, ce qui relevait presque du miracle.

— Monsieur ?

    La voix de Marta le sorti de son étude. Il ne lui accorda qu'un regard distrait en haussant un sourcil.

— Quelles mesures devons-nous prendre vis-à-vis du jeu ?

— Aucune, laisser-le évoluer, j'ai bien peur qu'il soit malheureusement trop tard pour le contrer...

    Aucun d'entre eux ici présent n'avait les capacités nécessaires pour contrer cette intelligence artificielle. Les dés étaient malheureusement lancés. Il reporta son attention sur la dénommée Kynriel. Oui, peut-être que elle, elle y parviendrait...