21 : Conseil de Guerre

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Le soir était tombé, et l'œil de Valin trônait dans le ciel étoilé depuis longtemps déjà quand ils et elles arrivèrent enfin à La Bourgade. Le trajet avait été ralenti par le cheval blessé d'Aliénor, et Sélénie avait passé la moitié du trajet à se plaindre d'avoir faim en roulant sur le chapeau du prestre.
Elle avait cependant refusé toute nourriture, préférant attendre le souper à La Bourgade, ce qui serait bien meilleur selon elle que les provisions que l'on lui proposait. Cela ne l'avait pas empêché de geindre.

À peine arrivés, une fois leurs montures essoufflées remises à qui de droit, les quatre explorateurs se rendirent dans la grande salle où se tenaient tous les soirs les banquets de La Bourgade.

Messire Misères présidait, comme à son habitude, au centre de la large table du fond de la pièce. Armé d'une plume aussi pédantesque que ses pimpants atours, le bourgmestre semblait écrire une lettre ou un discours sur un parchemin aux mille enluminures.
Il releva son nez démesuré vers ces arrivants se frayant un chemin entre les villageois en fête, puis adjoignit à son verre de vin dressé une de ces révérences à six membres dont il tenait le secret.

« Déjà, mes invités, ainsi que mon cher prestre, vous me reparaissez : vous fûtes des plus prestes ! Dites-moi, s'il-vous-plaît, ce qu'au temple caché au profond de l'Ysgrith vous allâtes chercher ?

Méturis se posa, grave, devant le Messire, ignorant l'envolée lyrique, et lui glissa à l'oreille :
— Je demande réunion au conseil d'urgence.

— Est-ce si important que le lendemain ne puisse patienter ?

— Je pense affirmer sans mal qu'aucune affaire n'a été ni ne sera jamais plus importante que celle-ci, lâcha le prestre. Son regard brillant suffit à convaincre le bourgmestre de la gravité du cas.

— Soit, admit le Messire. Si vous me permettez...
Il se leva de sa chaise et monta sur la grande table, de sorte à être visible par tous. Un signe de deux de ses mains aux musiciens fit s'arrêter les airs et les danses, et attira les regards de toute La Bourgade sur son bourgmestre.

— Je vous prie de vouloir doublement m'excuser : une première fois pour le bris sauvage de l'ambiance de cette soirée, et une seconde pour mon éclipse hors de celle-ci des causes d'une affaire de haute importance. Ne vous inquiétez donc ni de mon absence, ni des possibles retombées de cette affaire tenue secrète. Merci à vous. »
Il s'inclina légèrement, puis fit signe aux orchestres de reprendre là où ils en étaient.

Sans un mot, il guida les quatre arrivants et son précieux Taylor dans son sillage. D'une porte dérobée derrière la table, il rejoignit l'hôtel de ville, puis monta jusqu'à une pièce aux allures de salle de réunion d'état-major baroque, également riche en draperies montrant différentes actions du Messire.

Il s'assit finalement derrière une grande table ronde sur laquelle était posée une nappe-mappemonde agrémentée de figurines, et invita chacun à l'y rejoindre.

« Mesdames et messieurs, je vous écoute, lança-t-il en croisant les doigts de deux de ses mains en cloche.

Aliénor, Paulin, Meturis et Sélénie contèrent donc toute l'affaire, de la vouivre squelette au temple, en passant par le Purbrasier et le spectacle d'Ysgrith.
Pendant tout le récit, Messire Misères écouta d'une oreille attentive, et ne succomba à aucune de ses manières. Quand ils et elles eurent fini, il se laissa un long temps de réflexion avant de poser les questions qu'il jugeait les plus pertinentes.

— Chacun des Dragons, si l'on veut le voir occis, doit donc subir autant de coups que sa place ?

— « Le premier sorti sera vaincu d'une seule frappe, le second sorti de deux frappes, et ainsi de suite. » répéta mot pour mot Aliénor.

Ainsi qu'il fut ÉcritWhere stories live. Discover now