23 : Derniers préparatifs

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Assis sur la paillasse qui lui servait de lit, Témeriel était affairé à polir le présent de Varlok, ce même présent qui déterminait désormais son titre au sein de l'armée du Second.
Sa Relique.

Il n'en existait que cinq dans le monde, et toutes n'étaient pas attribuées. Forgées dans le même acier et par les mêmes flammes que celles qui composaient Varlok en personne, chacune récompensait un Commandeur dont les exploits étaient jugés suffisamment dignes par le Seigneur Dragon.
Témeriel, donc, avait été jugé digne. Il n'en revenait toujours pas. Il faisait à présent partie des trois Reliquaires : à la fois conseillers et Commandeurs militaires, il s'agissait de ceux vers lesquels le Second se tournait avant toute action majeure.
Témeriel, en un sens, était donc devenu l'une des personnes les plus importantes du monde en une nuit.

Encore plongé sous un torrent de pensées et d'émotions, il prenait son temps pour songer aux nouvelles responsabilités qui s'imposaient à lui. Son esprit occupé, ses mains s'affairaient donc à nettoyer avec zèle la sublime paire de bottes d'acier, dont les jointures brillaient faiblement d'une lueur rougeâtre.

Quelqu'un toqua à la porte. Le Commandeur - enfin, Reliquaire à présent - avait pourtant explicitement demandé à être seul, sauf urgence ou demande de Varlok.
« Entrez ! gueula-t-il. Son laquais Ganûk était à peine rentré dans la chambre que Témeriel l'assommait déjà d'un sec :
— J'espère que c'est important.

— Un ch'valier r'clame un duel avec sa seigneurie Drac'nique, présenta le gobelin.

— Mais encore ? En quoi cela me concerne ?

— Pour deux point, maître. Le premier, c'qu'en tant qu'R'liquaire, v'devez juger d'la valeur d'ceux qu'veulent affronter sa seigneurie Drac'nique.
Le d'zième, c'qu'il r'ssemble vachement aux descriptions qu'vous m'avez faites du ch'valier errant d'la prise de St'Égide.

Seul le second point sembla complètement sortir le Reliquaire hors de ses pensées et tiquer son intérêt.

— Je vous demande pardon ?

— Le ch'valier sans couleurs, qui v's a sauvé la vie, à St'Égide. V's en rapp'lez pas ?

— Si, si, bien sûr, je... Laissez-moi me préparer, je vous prie.

— J'm'occupe de lui, v's inquiétez pas.

Ganûk dodelina sur ses petites jambes vers la porte d'où il était rentré quand Témeriel le retint :
— Traitez-le avec les meilleurs égards ! ordonna-t-il.

— J'n'y manqu'rais pas, maître. »
Si tôt la porte close, le Reliquaire bondit de son lit vers ses armures, et posa le pour et le contre de chacune.
Devait-il remettre la même armure que lors de leur première rencontre ? Il ne la gardait que pour les batailles, et non pour les duels, mais la situation était toute particulière. Son cœur battait la chamade, mais... ce n'était pas comparable à l'engouement qui précède les batailles. C'était un sentiment viscéral, puissant, qui déversait dans les veines du Reliquaire une agréable brûlure.
Il passa rapidement son regard sur une armure de plaques intégrale, qui avait le mérite d'être impressionnante, mais qui gâcherait pour sûr cette rencontre.

Cette rencontre ? Témeriel se maudit lui-même : avait-il perdu l'esprit ?
Le chevalier avait demandé un duel. Pour affronter Varlok. Un tel affrontement ne pouvait finir qu'avec la mort de l'un des deux, puisqu'aucun n'abandonnerait.
Le cœur du Reliquaire se fendit en deux, explosa, s'embrasa, se fit percer par des milliers d'épines. Cet homme lui avait sauvé la vie, et à présent il devait l'affronter jusqu'à la mort.

Un instant, il maudit ce satané code d'honneur, qui imposait ces règles stupides. Puis se maudit de nouveau lui-même pour suivre ces dites règles. Et enfin ce chevalier dont il ne connaissait pas même le nom, pour avoir exigé ce duel absurde.

À contrecœur, il se résolut à mettre fin à la vie de celui qui avait sauvé la sienne. Témeriel choisit au final une vieille robe de mage, tissée sur un jaseran tout aussi usé. La tenue n'avait pas perdu en efficacité à travers le temps. En fait, ainsi vêtu, il semblait même avoir gagné en expérience, comme ces vieux vénérables imposant le respect.

De plus, cette armure s'ajustait parfaitement avec la Relique qui était désormais sienne. Il enfila solennellement la paire de bottes d'acier, et se dirigea, grave mais résolu, vers le duel.

Ainsi qu'il fut ÉcritWhere stories live. Discover now