41 : Décision critique

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Après un tel spectacle, la Blanche envoyée par les Hautes-Terres ne put que concéder à revoir ses conditions.
Bien sûr, elle douta dans un premier temps de la véracité des dires du héros, du crâne du Dragon, et de l'aura de la lame. Mais son âme inquisitrice fut formelle : les flammes qui brillaient autour de l'épée enchantée étaient belles et bien de Purbrasier, et la force de l'énergie impie qui émanait du trophée ne pouvait que provenir de l'un des enfants de la Brèche.

Elle consentit donc finalement à tenir un conseil auprès des hauts dirigeants de La Bourgade afin de déterminer de façon plus posée du destin de cette dernière, et du monde en général.
Blanche, le Messire Misères, son bon Taylor, Paulin et Aliénor se réunirent dans l'une des innombrables salles de l'hôtel de ville. Il était hors de question, pour une adepte de la Pureté, qu'un prestre assiste à une telle réunion. Méturis ne souhaitait de toutes façons pas non plus avoir un contact de quelque sorte que ce soit avec la représentante Hautes-terrienne.

La salle de conseil disposait d'une large table rectangulaire vêtue d'une nappe blanche. Chaque mur passait pour être fait d'un chaos d'étagères et de tiroirs bondés de papiers blanchis et de parchemins cornés par le temps.
L'émissaire s'assit donc seule face aux gens de La Bourgade.

« Sainte Sœur, initia le Messire, j'annonce cette séance ouverte. La Bourgade, dont je suis bourgmestre, est lourdement menacée par les forces draconiques, et nous en appelons aux Légions Blanches pour assurer notre protection.

D'une froideur pratique, Blanche répondit sans détour. Le strict de ses traits se confondait avec celui de sa voix.
— Messire, soyez assuré que les Hautes-Terres comprennent parfaitement la gravité de la situation. Cependant, compte tenu des récents événements, la sécurité de votre village n'est sans doute pas une priorité.
Sire Paulin de Solitude, c'est cela ? demanda-t-elle confirmation en tournant son visage de marbre vers le héros.

Il acquiesça.

— Qu'osez-vous insinuer sur la priorité de la défense de mes gens ? s'insurgea le bourgmestre.

— Votre protégé ci-présent a vaincu l'un des Cinq, rétorqua en aparté l'émissaire, sèche. La lutte contre le démonisme Draconique prend un tournant majeur, et vous vous inquiétez pour vos terres ?
Sire Paulin, se recentra-t-elle en abandonnant le Messire, béat derrière ses masques.
Par quelle magie avez-vous accompli un tel exploit ?

Cherchant conseil auprès de ses alliés, Paulin répondit en dégainant sa lame et en la posant face à lui.
— Cette lame est bénie par la Pureté, expliqua-t-il simplement. Elle pourfend les Dragons en autant de coups que leur rang de sortie hors de la Brèche.

— Puis-je ? demanda-t-elle en approchant sa main de l'arme.

Paulin lui permit d'examiner d'un hochement de tête.
Les doigts de Blanche s'avancèrent, prudents. Ils avaient à peine effleuré l'acier quand une étincelle s'illumina dans les yeux de la soldate sainte.
Nul, de l'autre côté de la table, ne savait réellement quelles magies formaient les pouvoirs de la Pureté. Ils savaient cependant que les prêtresses de ce culte, à fortiori les Blanches, pouvaient déterminer la pureté - ou l'impureté - d'une chose ou d'une personne selon les critères de leur dogme. Ce pouvoir était bien sûr affûté, notamment par les factions d'inquisitrices, afin de traquer les êtres impurs.

Blanche rétracta lentement sa main, le regard dans le vague. Tous les doutes qu'elle semblait avoir conservé semblaient soudainement balayés, comme si l'évidence s'imposait à elle.
— Vous devez rejoindre la Légion, prononça-t-elle, toujours en transe. Avec cette épée, nous pouvons... Par tous les saints, nous pouvons...

— L'épée tue les Dragons, précisa Aliénor, mais ne peut rien de plus qu'une lame ordinaire contre leurs troupes. La faire rejoindre la Légion ne ferait qu'encourager les Cinq à la récupérer en concentrant leurs efforts. Si cette épée venait à tomber entre les mains des Cinq, tout espoir serait anéanti.

— Que préconisez-vous, en ce cas ? chercha à savoir Taylor, qui s'était jusqu'ici tenu discret.

La druidesse hésita, puis lança sa folle idée.
— Je propose une attaque éclair en Ovilath. Pour la Lune de Sang. Ce qui reste des Cinq seront présent : le Premier et le Second seront chacun terrassés en un seul coup, et il ne restera que la Quatrième à pourfendre. Jamais ils ne s'attendront à être attaqués durant leur conciliabule, et l'occasion ne se représentera peut-être jamais : l'issue de leur réunion les invitera à se montrer vigilants.

— C'est de la folie ! s'écria froidement Blanche, comme si elle blâmait un enfant. Vous prétendez que la Légion n'est pas sûre, et vous voulez vous jeter droit dans la gueule du loup ?

— D'autant que le Premier et le Second connaissent déjà les pouvoirs de l'épée, argumenta Taylor, et qu'il serait absurde de penser que Varlok n'en aie touché mot à sa sœur. Il y a fort à parier que la prudence soit déjà de mise parmi eux.

— Je pense qu'Aliénor a raison, rebondit Paulin. L'épée serait plus en danger qu'autre chose dans la Légion. De plus, son pouvoir ne nous serait utile qu'en Ovilath où se réuniront les trois Dragons. Une attaque surprise serait la meilleure option.

— Je me dois de faire part de mon désaccord, s'ajouta le Messire. Vous avez, il est vrai, vaincu le Second en combat singulier, ainsi que le Dernier dans des conditions similaires. Mais affronter trois Dragons d'un coup ? Soyez réaliste : vous n'avez aucune chance !

— Nous ne pouvons pas attendre qu'ils viennent prendre l'épée, contra Aliénor, réfléchie.
Pendant que nous patientons, leurs défenses s'érigent. Nous sommes là, à chercher quoi faire : je suis persuadée que Varlok et Ovilath font de même, là-bas !
Nous attendons une occasion qui ne viendra jamais. Il y a des risques, c'est évident. Mais ces risques ne diminueront pas avec le temps, bien au contraire. C'est pourquoi il faut agir maintenant, avec toutes les ressources dont nous disposons.
Plus tard, ce sera trop tard.

Aliénor tue et rassise, le conseil médita un moment sur l'urgence de cette situation critique.
Blanche reprit la parole, d'un ton neutre.
« De quoi aurez-vous besoin ? »

Ainsi qu'il fut ÉcritOù les histoires vivent. Découvrez maintenant