#4 ~ Contrôles

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Je suis descendue dans la cuisine. J'ai pris un couteau. J'ai voulu me le planter dans le cœur. Et je l'ai fait.

Chapitre 4: Contrôles

Le Docteur Cohen sursauta. « Tu... tu as voulu te suicider ? »

Oui, j'ai voulu me suicider. Sauf que même le droit de mourir, Jade me l'avais pris. Au moment où j'ai enfoncé le couteau, il m'est apparu en flash. « Non ! », a-t-il crié d'une voix autoritaire. Et il a fait dévier le mouvement de ma main, faisant râper le couteau sur tout mon torse sans causer de blessure grave, juste une longue entaille traversant mon corps de haut en bas, de mon cœur jusqu'au nombril.

Je me suis soignée dans la douleur et le désespoir. Je n'étais jamais tombé aussi bas. Et c'est à ce moment, où j'ai touché le fond, que j'ai décidé d'arrêter de chouiner. De m'échapper. Et de résister.

Et j'ai résisté. J'ai appris à contrôler mes peurs. Dans le vide, je m'allongeais pour apprécier la chute. Les araignées, je les écrasais toutes une par unes du talon. Dans la petite pièce noire, je récitais les nombres premiers ou n'importe quoi qui m'occupait l'esprit et fermais les yeux.

Finalement, j'ai réussi à vaincre toutes ces épreuves. Les rêves n'étaient plus des cauchemars, mais juste ennuyeux. J'avais contrôlé mes peurs, et Jade semblait avoir perdu.

À partir de Janvier, les rêves étaient une partie de plaisir. Ils y en avaient d'ailleurs de moins en moins souvent.

Mais à partir de mes 13 ans, Jade a... changé de stratégie. La nuit de mon anniversaire, il m'est apparu dans la pièce utilisée depuis des années, grise avec son fauteuil rouge. Sauf qu'il était debout et jouait du violon. Une grande première.

Songeant que tout était peut-être fini, je lui ai demandé pour la millième fois au moins « Pourquoi me fais-tu tout ça ? » et il m'a répondu d'une façon presque amusée : « Pourquoi chercher un "pourquoi" à tout ? ». J'ai cru qu'il se foutait de moi, que ça l'amusait de me torturer et de me laisser dans le doute. J'ai ensuite demandé « Est-ce que tout ça finira un jour ? ». Et, une fois de plus, il a répondu à la question par une question « Et toi, quelle est ta définition de "finir" ? ». Mais je n'ai pas lâché l'affaire et je suis revenu à la charge. « Mais qu'est-ce que vous voulez, à la fin ? ». Et pour la première fois, Jade m'a donné une réponse à peu près correcte. « Je veux ce que nous attendons de toi. »

J'ai longtemps réfléchi, il ne m'avait jamais dit ce que l'on attendait de moi. Sauf une fois, après m'être vengé d'Yvan ; il m'avait dit « C'est exactement ce que l'on attend de toi ». Mais qu'attendait-il de moi alors, au juste ? Que je manipule des foules ? Que je fasse une démonstration de mon intelligence ? Que je sois une machine à venger ? Ou, tout, simplement, que je ne me laisse pas faire ?

Mais après cette nuit, l'homme aux verts m'infligea de nouvelles tortures, cette fois à la fois mentales et physiques. Elles se ressemblaient presque toutes. Nous étions dans la pièce habituelle, lui assis jouant du violon et moi assise par terre sans pouvoir bouger. Une force m'empêchait le moindre mouvement, j'étais statufiée. Et comme l'année précédente, je ne pouvais ni contrôler le rêve ni en sortir. Mais ce qu'il y avait de différent, c'est que Jade jouait toujours le même morceau, et qu'à la fin du morceau je recevais une violente décharge de douleur. Et Jade disait, sans même me regarder « Fais ce que l'on attend de toi ». Mais comment résister, si je ne pouvais rien faire ?

Le morceau durait une dizaine de minutes. Et pour une torture de deux heures, ça faisait une douzaine de morceaux et donc autant de douleurs par nuit... Et c'était pas des petites, les décharges. Elles montaient en intensité au fur et à mesure.

Le Monde des Rêves  (Terminé)(V1)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant