Partie 1

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Diouldé…

Je me réveillai difficilement, encore fatiguée par la longue nuit passée sur la natte de fortune dans la chaleur étouffante de la chambre entre mes parents, mes 2 frères et mes deux oncles. On habitait à Grand Dakar, un populeux quartier dans un vieil immeuble ou mon père avait pris en location une petite chambre. Mon père vendait des fruits dans un autre quartier et était assisté par ses 2 frères. Ma mère avait une table ou elle vendait des arachides et autres fruits devant un établissement scolaire. J’étais l’ainée et avais 2 frères. Aussi longtemps que je me souvienne, notre quotidien se limitait à nettoyer le matin la petite chambre, ensuite aller chercher de l’eau, accompagner ma mère au marché pour chercher les arachides et autres fruits pour son commerce, et aller installer sa table et commencer à griller les arachides sur un fourneau de fortune. A l’époque j’avais 6 ans. Ma mère était une femme affable, très belle et qui parlais peu. Elle s’occupait bien de nous, du moins dans ma vision de petite fille. J’ai été dans un petit daara du quartier jusqu'à l’âge de 5 ans et ma mère a eu besoin de moi pour l’aider dans ses activités. Donc j’ai laissé tomber pour l’aider mais mes frères ont continué à y aller.

Mon père ne se souciait pas de nous : il rentrait tard et se couchait et repartait très tôt le lendemain. C’était un homme colérique et très renfermé. Il ne s’exprimait que pour des choses importantes et dans ce cas bonjour les coups et les cris. Mes oncles lui obéissait au doigt et à l’œil car c’est lui qui les avait fait venir de la Guinée pour l’aider dans son commerce, et vivait dans la même chambre. Ca peut paraitre bizarre mais on a toujours vécu comme ca et ca semblait à la limite normale.
Donc à l’époque j’étais une petite fille guinéenne mais à 100% sénégalaise. Mais le voisinage, ne cessait de nous faire comprendre que nous étions des étrangers même si j’étais née ici. J’avais droit à toutes sortes de prénom « driing », « peulefouta » sur mes origines. C’est vrai aussi que j’avais toutes les caractéristiques de la petite guinééne, clair, visage fin, et toute jolie. J’ai hérité de la beauté de ma mère et tout le monde le disait. J’avais de long cheveux que ma mère me tressait en « tiibe » ou parfois quand elle avait des sous, j’allai chez la bambara qui me faisait de jolis tresses. Donc tous les soirs j’étais avec ma mère devant l’école pour vendre. Un jour un client qui avait toujours l’habitude de me taquiner apostropha ma mère :
- pourquoi tu n’amène pas ta fille à l’école ?
Bien sur je voyais tous les jours les enfants entrer et sortir de l’école avec un petit pincement au cœur. Moi j’étais juste la vendeuse, a qui on tendait une pièce en lui disant « diayma guerté » (vend moi de l’arachide).

- c’est elle qui m’aide. Et puis nous nos enfants ne vont pas à l’école…son père ne sera jamais d’accord.
- Diouldé à l’air très intelligente. Elle ne se trompe jamais pour rendre la monnaie. C’est dommage. Tu me connais, je veux la mettre à l’école. Parles en a son père et ne t’inquiète pas pour les frais ? Je veux bien la prendre en charge.
- hiiiii…ne m’amène pas de problèmes répondit ma mère qui fuyait la conversation
C’est à partir de ce jour que le secret espoir de me retrouver un jour à l’école à commencer à pousser dans mon cœur de petite fille. Je me voyais entrer aussi dans l’école et m’exprimer en cette langue que les autres enfants adoraient manier. Malheureusement, je n’ai jamais entendu ma mère en parler à mon père à l’époque et lorsque je lui en parlai, elle me répondait juste que je n’irai pas à l’école car je devais rester auprès d’elle jusqu'à ce qu’un bon mari vienne.
Ma vie a continué ainsi jusqu'à ce fameux été. J’avais 7 ans et durant les vacances scolaires, ma mère changea de lieu de vente pour s’installer à coté de l’étal de mon père. Elle avait l’habitude de fournir en arachide la dame qui voyageait souvent et qui à chaque fois venait s’approvisionner son fils qui était en France. Elle avait tissé des liens particuliers avec ma mère et ce jour la, elle devait venir récupérer ses arachides car elle devait voyager. Quand elle m’a vu et le sujet est encore revenu sur la table.
-aissatou, Diouldé doit aller à l’école. Ce n’est pas normal que tu la laisse comme ca. Je pars en voyage mais à mon retour, je viendrai par moi-même la prendre et l’inscrire dans une école. A chaque fois que je t’en parle tu évites le sujet.
- madame, c’est son père qui ne veut pas. Ses autres frères vont à l’école coranique mais j’ai besoin d’elle pour m’aider.
- dans ce cas j’irai moi-même parler à son père.
A ce moment mon père est arrivé et ma mère a fait les présentations. La dame a relancé le sujet avec plein d’arguments et a eu de mon père la promesse d’y réfléchir.
Ce jour la j’étais sur un petit nuage et j’ai vécu dans le fol espoir que mon père aller accepter. Cette nuit j’ai entendu mes parents en parler mais sans vraiment saisir la finalité. Et un mois avant la rentrée, la dame est revenue prendre des papiers pour m’inscrire et quelques temps après elle est revenu pour remettre à ma mère une enveloppe.

Diouldé : itinéraire d'une vieWhere stories live. Discover now