Part 3

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Les semaines passèrent vite et je passais souvent voir Ibrahima pour voir ou il en était avec ses réflexions. Il me fit part de sa conversation avec son père qui ne s’était pas bien passé car le vieux ne comprenait pas pourquoi une femme faisait des études au point de l’empêcher de se marier. J’étais toute gentille avec lui et le suppliait à en pleurer à chaque fois que c’était nécessaire pour remuer sa fibre émotive. Et je crois que, par dessus tout, se sont mes pleurs qui le dépassaient. Il avait vraiment pitié de moi et me promettait de tout faire pour m’aider d’autant que, d’après lui, si je finissais mes études, je pourrais l’aider après notre mariage à mieux tenir sa boutique. Je pleurais plus fort à cette perspective. Un jour il me fit part d’une réunion de famille qui devait se tenir pour en discuter après qu’il eut parlé à son père. J’en stressais et je l’attendais à ce qu’on me convoque, mais il me précisait plus tard qu’on attendait juste que mon père se porte mieux. J’attendais donc avec beaucoup d’appréhension de même que maman Fanta qui suivait l’évolution des choses. Je n’ai jamais pu trouver les mots pour lui dire combien je lui en étais reconnaissante. A chaque fois que je voulais aborder cela, mes yeux se remplissaient de larmes et je ne pouvais plus parler. Elle comprenait et se contentait de sourire en me disant que c’est à elle de le faire pour moi.

Entre temps, malheureusement, le départ de Malik approchait et presque chaque nuit, il venait dans ma chambre. Je ne lui ai rien dit à propos de tout ce qui se tramait et connaissant maman, ce n’est pas elle qui en parlera. Avec lui, j’oubliais tous mes soucis et j ne vivais que l’instant présent. Mon cœur débordait d’amour pour lui et lui aussi me témoignait beaucoup d’affection. Parfois, il me parlait de notre avenir, en disant que quand sa situation se stabiliserait, il viendrait m’épouser et m’amener. Je disais toujours que je ne voulais pas me séparer de maman et que même si on se marie je pouvais toujours rester ici. Il faisait la moue en disant qu’il ne me laisserait jamais ici et finalement on ne s’entendait jamais sur ce point. Il me faisait rêver, me faisait fondre, je mourrais d’amour pour lui. Même en classe, je planais, je ne me concentrais plus. Il m’arrivait d’écrire son nom sur la table, et en m’en rendant compte, je le barrais. Nos câlins aussi se faisaient plus sensuels. Il n’était plus empressé comme au premier jour ou j’avais l’impression qu’il voulait me dévorer. Au fil du temps nos baisers étaient plus calme, plus doux et parfois il me demandait de prendre l’initiative de l’embrasser. Mais on n’allait pas plus loin et heureusement qu’il ne le cherchait pas. J’hésitai à lui parler de mon excision car c’était quand même important. Mais je ne trouvais jamais les mots pour lui dire. j'étais sur un petit nuage et n'était pas prête d'y descendre.
Mais, une dizaine de jour avant son départ, un soir, alors que je révisais mes cours au salon, le téléphone sonna. Comme il avait un combiné dans sa chambre, on décrocha en même temps que moi et quand j’entendis sa voix, je voulus raccrocher mais je perçus une voix féminine au bout du fil
- Allo dit-elle
Au son de la voix de Malik, elle s’écria
- Oh mon chéri, c’est toi ?
- Oui ma puce, comment tu vas ? demanda t il
Je sentis mon cœur rater un battement et tout d'un coup je me sentais mal. J’aurai du raccrocher mais je bouchais un coté avec ma main pour qu’il n’entende pas d’écho et j’écoutais le cœur battant
- Non ca ne vas pas. Tu me manque trop. Je déprime complètement.
Il riait et après un moment de silence il reprit
- T’inquiète je rentre la semaine prochaine,
- Je sais mais c’est quand même une éternité. Tu me manque tu ne sais même pas à quel point. Té resté trop longtemps mon cœur
- Toujours la même chanson…t’a pu récupérer mon courrier ??
- Oui, il faudra passer chez moi pour le récupérer…comme ca je te ferais de petites gâteries.
- Il faudra qu’on parle à mon retour, l’interrompit il d’un coup
- Qu’est ce que tu as à me dire dis le moi tout de suite…tu sais que je n’aime pas attendre…
Je coupais le téléphone. C’est plus que je ne pouvais en entendre. Malik, mon Malik, avait une autre relation avec une fille. J’étais sans réaction. J’avais l’impression d’être dans un mauvais rêve. Comme j’avais raccroché trop tôt, il a du entendre le clic et il viendrait surement voir qui était au téléphone en même temps que lui. Je me suis levée pour me cacher dans la cuisine. Il est venu, n’a vu personne et est reparti. J’ai rassemblé mes affaires et je suis monté dans ma chambre. Mon cœur était submergé et c’est une fois dans la chambre. Je crois qu’à cet instant j’avais la tête vide. Dans la chambre, j’ai allumé la radio, et je me souviens que c’est la chanson de Francis Cabrel qui passait sur Nostalgie « je t’aimais, je t’aime et je t’aimerais ». Je ne savais plus quoi faire. J’étais trop déboussolé. Il y avait une explication. Forcement. Je restais à la même place pendant plusieurs minutes. Finalement, je me levais et allais vers les toilettes. En sortant je croisais Malik, mais je gardais la tête baissée et entrait dans les toilettes. Je pris mon temps car je savais qu’il était dans le couloir à m’attendre. Cette nuit, je fermais ma porte à clé car il était hors de question qu’il vienne. Je me suis couché et à peine une demi heure plus tard, il est venu et à essayé d’ouvrir le porte. Finalement, voyant qu’elle était fermée, il a légèrement toqué en m’appelant. Je ne répondis pas et finalement, il partit. Je ne dormais pas et pleins d’idées noires se bousculaient dans ma tête. J’étais déçue et très triste mais au fond de moi, je me disais que mon chéri avait surement une explication. Je ne pouvais pas ne rien représenter pour lui. Non, je refusais de croire cela. Mes larmes ont coulé sans le vouloir et mon sommeil fut agité.
Le lendemain, en allant au lycée, je le trouvais au salon alors qu’a cette jeure, il devait déjà être parti. Je lui lancais un bonjour, et continuait quand il me rattrapa dans la cuisine ;
-Diouldé y a un problème ?
- Non, pourquoi ?? Répondis-je en prenant un verre d’eau. Je gardais la tête baissée et je ne voulais pas le regarder
Il s’approcha de moi et me souleva le visage
-ma chérie, pourquoi j’ai l’impression que ca ne vas pas trop ? Hier tu ne dormais pas et tu as refusé de m’ouvrir.
Je le regardais dans les yeux sans rien dire et même quand il se baissa pour m’embrasser légèrement les lèvres, je ne dis rien.
-si tu as des problèmes, il faut m’en parler ma chérie, je suis aussi la pour ca mon amour.
A ce moment, j’avais envie de lui jeter le verre d’eau à la figure et je me demandais comment il pouvait parler avec l’autre fille hier et se comporter comme d’habitude avec moi ce matin. Je lui dit que j’avais des maux de tête.
- Je suis en retard, mais ce soir on parlera ok ? dit il finalement devant mon silence. Je pars dans quelques jours et ce n’est vraiment pas le moment pour avoir des sautes d’humeur.
Toute la journée, la conversation avec la fille me revenait en mémoire et la manière douce dont Malik lui parlait. Ça m’énervait aussi de ne pas avoir le courage de le gifler, de le secouer, de le mettre devant son mensonge. Le soir, je laissais ma chambre ouverte et il dès qu’il entre, il me prit dans ses bras et voulut commencer à m’embrasser. Je le repoussais doucement et m’assit sur le lit
-Diouldé, explique moi ce qui ne va pas.
-Malik, as-tu une copine en France ? demandais je brusquement
-Bien sur que non, ou va tu chercher ses sottises répondit il spontanément
Je crois qu’à ce moment, ses mensonges ne firent plus mal que son infidélité. Il me regardait droit dans les yeux et me répondait sans gêne. Je me levais brusquement du lit et me mit en face de lui.
-je t’ai entendu hier…dis je tout doucement
-Quoi ?
-je t’ai entendu hier quand tu parlais avec la fille au téléphone.. ;
-…
Un long silence s’ensuivit. Il ne répondit pas et me regardas avec de gros yeux. Finalement, il se leva aussi et me fit face. J’avais le cœur meurtri mais je ne voulais pas pleurer. J’étais la debout à attendre une explication. Finalement il me tourna le dos, et commença à parler
- Ecoute Diouldé je ne savais pas en venant que tu me ferais cet effet. C’est vrai que je suis dans une relation en France mais je veux que tu saches que je tiens à toi plus que tout.
- pourquoi tu ne m’a rien dit ? Demandais-je simplement et mes larmes commençaient à couler. Il venait de me confirmer ce que je ne voulais pas entendre.
- pour ca dit-il en m’essuyant mes larmes. Tu es encore trop jeune et j’avais peur de réactions enfantines que je ne saurai gérer. Je me disais que dès que je rentre, je mets de l’ordre dans ma vie, et la prochaine fois que je viendrais, on en parle plus calmement.
-si tu savais que j’étais trop jeune, il ne fallait pas commencer une relation avec moi
il ne répondit rien pendant plusieurs minutes et finalement le leva
-tu as raison, me répondit il simplement, avant de sortir de la chambre.
C’est comme si je venais de recevoir une gifle. Je ne bougeais pas et à ce moment j’eus honte. Honte de mon comportement, honte de m’être fait avoir, honte d’avoir si vite accepté, honte d’avoir osé espérer, honte d’avoir osé rêver de tout ca, honte de l’avoir laissé m’utiliser. Je pleurais un bon coup, puis me levait pour aller me laver le visage. J’avais mal au cœur, une vraie douleur qui ne s’estompait pas même quand j’essayais de me faire une raison. C’était trop dur.
Le lendemain, j’avais cours à 10 h et Malik avait fini son stage. Il devait aller dire au revoir à sa famille avec maman et acheter des cadeaux pour ses amies. Quand je descendis, je le trouvais dans la cuisine et j’allais rebrousser chemin quand il m’appela. J’hésitais un instant et finalement je répondis. Il me demanda simplement si je pouvais passer chez ma mère récupérer les arachides que sa maman avait commandées. Je répondis par un ok laconique et partit en cours. Moha me trouva bizarre et essaya toute la journée à me faire sortir les vers du nez. Je me contentais de sourire en lui disant que j’avais juste des maux de tête, mais il continuait à insister. Je n’étais vraiment pas disposé à lui en parler car je me disais que c’était de ma faute. Finalement pour m’en sortir, je lui expliquais le chantage de mon père qui voulait que j’épouse mon cousin. Il était ébahi et me demandait de m’accrocher et que jamais, il ne laisserait faire une chose pareille. Je l’écoutais parler d’une oreille distraite trop absorbé par mes pensées.
En allant récupérer les arachides, ma mère m’a expliqué que mon père était furieux contre Ibrahima car il n’avait pas à venir me demander mon avis sur le mariage. Il disait que je n’avais pas mon mot à dire et il a même accusé ma mère d’être derrière tout ca. Ma mère aussi était contrariée mais je ne répondis rien. Je me contentais de prendre la commande et de partir. Je n’ai même pas cherché à voir mon père refusant de polémiquer sur tout ca. Je n’avais pas le cœur à ca.

Diouldé : itinéraire d'une vieWhere stories live. Discover now