Petit ami et Compagnie 1 - Opération Alexander (Terminée)

Chapitre 3 : Être une sage-femme

Le 28 novembre

Quand j'arrive au boulot lundi matin, c'est Madison qui, chignon parfait et lunettes sur le bout du nez, m'accueille avec sa manière bien particulière à elle de faire passer les messages :

— Tu es en retard, Annabelle.

Si je n'étais pas son amie et que nous ne nous connaissions pas depuis des années, je suis certaine qu'elle m'effraierait. Mais puisque je sais désormais que la quarantenaire qui veut se donner un air strict a en réalité un cœur tendre, je me contente de donner un coup d'œil à ma montre.

— Salut Maddie ! Je sais, désolée.

S'il n'avait s'agit que de deux petites minutes, mon retard aurait pu passer. Mais une demi-heure est bien sûr plus problématique.

— On a besoin de toi en salle 302, m'informe ma collègue avant de se replonger dans son travail de gestion.

Je hoche la tête en refermant mes bras sur mon pyjama de bloc. Je suis heureuse de ne pas être de garde aujourd'hui. Mes horaires « classiques » de cette semaine sont une bénédiction pour moi. Cela ne veut pas dire pour autant que je n'aime pas mon travail. Bien au contraire ! Je suis vraiment ravie d'avoir réussi à bien choisir ma voie, surtout après une année préparatoire durant laquelle je pensais vouloir devenir médecin. Mais il est inutile de se mentir : tout le monde sait que travailler de nuit est fatigant et je n'ai vraiment pas besoin de ça en ce moment.

À peine me suis-je engagée dans mon couloir qu'une jolie blonde aux yeux noisette me saute pratiquement dessus. Il s'agit de la dernière arrivée dans notre groupe de sages-femmes : Zoey.

— Salut, t'es vraiment à la bourre aujourd'hui. Tu sais quoi ? Hier, alors qu'on rentrait de notre week-end en amoureux, Luke m'a demandé si je voulais partir en Russie pour les vacances d'hiver !

Même si la cadette de la bande (puisqu'elle est la plus jeune d'entre nous avec ses 25 ans) peut parfois se montrer étourdie, elle est rarement en retard, contrairement à moi qui suis plutôt inscrite sur la liste des employés jamais à l'heure. Mon amie vérifie d'un coup de main que sa queue de cheval tienne bien puis satisfaite de ce qu'elle a senti, me sourit en dévoilant ses dents du bonheur.

Entendre des histoires de couple à longueur de journée n'est pas facile étant donné mon statut de célibataire endurcie. Et bien que je sache et m'évertue de dire aux gens autour de moi qu'il n'y a évidemment pas de date limite pour chaque étape de la vie, ou presque, je ne peux pas m'empêcher de me sentir mise à l'écart. Voilà pourquoi j'ai eu des pensées sombres au mariage de Maxime et Alice. Seulement comment échapper à ce genre de scénario lorsque l'on est sage-femme ?

Cela fait désormais cinq ans que j'exerce ce métier et je ne regrette rien, et ce, même si les gardes de dernières minutes peuvent parfois être embêtantes. Mais comme tout le monde ici dirait : les naissances ne sont pas programmées à la minute près et n'attendent pas.

— Oh toi, tu as une sale mine, remarque Zoey en ouvrant la porte, tu as trop fait la bringue au mariage de ton cousin ?

Je n'ai même pas le temps de lui répondre, car l'affolement dans la salle nous fait comprendre à toutes les deux qu'il s'agit d'une situation d'urgence. C'est pile à cet instant d'ailleurs, alors que j'avance vers mes collègues, que je reconnais ma patiente.

— Mais pourquoi n'est-elle pas en GHR ? demande Zoey, surprise.

— Il n'y avait plus de place et elle ne présentait pas de risque, n'est-ce pas Stewart ? réplique Lola, la cheffe des sages-femmes.

Au son de sa voix et au regard qu'elle me lance, on se doute qu'il ne s'agit pas véritablement d'une question et que ce serait suicidaire de répondre par la négative. De toute façon, je n'ai pas besoin de mentir puisque ma patiente ne présentait aucun signe de complication. Je confirme donc les dires de Lola d'un mouvement de tête.