Chapitre 25 partie 2 : Le violoniste et la pianiste

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♪ Adagio - Albinoni - Harry Völker ♪

En entrant dans la nouvelle pièce, je remarque tout de suite que celle-ci est plus sombre que le bureau. À tel point que je m'arrête au bout de quelques pas pour être certaine de ne rien heurter. Mes yeux s'habituent peu à peu à l'obscurité et je parviens à apercevoir Jales se diriger vers le fond de la salle pour tirer de longs rideaux lie de vin.

La lumière des lampadaires surgit soudainement autour de nous et ramène à la vie ce qui semblait jusqu'à présent terriblement froid. Mes yeux découvrent enfin le magnifique piano au milieu de la pièce. Il est immense et noir. J'ai toujours trouvé cet instrument somptueux, mais dans cette salle tamisée, avec ces rideaux et surtout Jales à côté, cela ressemble à un paradis sombre, mais terriblement séduisant et envoûtant. Un paradis sombre pour lequel je pourrais faire n'importe quoi afin de le garder rien que pour moi.

— Ça fait quelque temps que je fais du piano et du violon. Depuis l'enfance en fait, avoue-t-il avant de s'installer sur le tabouret.

Ne jouant pas d'instrument et n'y connaissant absolument rien, je suis incapable de dire de quel genre de piano il s'agit, mais il doit coûter très cher, ça au moins je peux le certifier.

Jales commence à jouer et malgré mes efforts, je ne parviens pas à reconnaître le morceau. Il faut dire que je ne suis pas une adepte de ce registre. À part quelques morceaux de Mozart, le fameux Sarabande de Handel et le Canon In D Major de Pachelbel, je ne saurais pas nommer d'autres artistes et symphonies.

En tout cas, maintenant que j'y pense, tout s'explique. La première fois où il m'a récupérée en voiture, il avait mis de la musique classique. Et j'avais prié durant tout le trajet pour qu'il change de station et que les violons arrêtent de lâcher leurs larmes.

Bien que les notes me paraissent en premier lieu aiguës et que ce qui s'en dégage malgré tout semble sombre, je dois avouer que cette musique est magnifique. C'est différent de ce que j'ai pu entendre, je trouve cela plus rythmé, plus romantique, plus tortueux, à moins que ce soit le fait que ce soit Jales qui joue qui change ma perception auditive.

Parasite ou pas, j'ai l'impression que cette musique clame la souffrance du pianiste. C'est comme si les touches pleuraient son chagrin, celui qu'il a éprouvé et éprouve encore pour la perte de Bianca. Peut-être n'est-ce qu'une interprétation de ma part. Peut-être suis-je complètement à côté de la plaque concernant l'émotion qui doit être retranscrite. En tout cas, cela m'en serre la gorge.

Ses doigts bougent sur ces rectangles blancs avec tant de facilité que c'en est hypnotisant. Ses gestes rapides et gracieux appellent notre regard. Ils dansent, littéralement, se promenant sur l'instrument telles des pattes d'araignée. Je remarque rapidement que le pianiste est transporté et bien que je ne sois pas une musicienne dans l'âme, je me sens soudainement connectée à lui et quelque chose m'oppresse. C'est comme si mon souffle, raréfié, ne suffisait plus à ma survie.

Le voyage émotionnel par lequel je suis passée lorsqu'il termine le morceau est indescriptible. Je me sens émue, triste, mélancolique, perdue, seule et pourtant éblouie et réchauffée par tant de beauté.

— Une petite improvisation sur Adagio In G Minor d'Albinoni, me dit-il et je hoche la tête question de ne pas le laisser remarquer que je ne sais absolument pas qui est ce musicien.

Jales quitte subitement son tabouret pour s'avancer vers moi et je retiens mon souffle. Ce que je croyais impossible étant donné la présence des photos de Bianca décorant la pièce, arrive et il m'attrape la main pour me guider devant le piano. Légèrement tendue, je m'installe là où il se tenait quelques secondes plus tôt et la vue du nombre incalculable de touches me stresse.

Petit ami et Compagnie 1 - Opération Alexander (Terminée)Where stories live. Discover now