Petit ami et Compagnie 1 - Opération Alexander (Terminée)

Chapitre 23 partie 2 : Surfer sur la neige

♪ The Pretenders - Brass In Pocket ♪

En m'engageant dans mon quartier, quelques minutes plus tard, une grosse poussière blanche tombe devant moi, me faisant loucher au passage. Celle-ci ravive mon cœur meurtri et je lève la tête pour regarder le ciel. C'est alors que je découvre les timides flocons.

Un sourire étire mes lèvres. Après la vague de froid de décembre qui a été plus que soudaine et intense, voilà que la neige arrive ! Je tends une main, mais aucune étoile glacée ne vient s'y déposer dessus. Cela ne m'empêche pas d'être heureuse.

Tout en tirant sur la laisse de mon chien pour qu'il avance, je souris. Puis une fois devant ma maison, je détache Happy et tourne sur moi-même. J'offre mon visage au ciel et fronce le nez en sentant ma peau s'humidifier. Je n'ai parcouru que quelques mètres seulement, et pourtant les flocons sont plus nombreux et plus gros. Je tourne un peu plus sur moi et lève les mains.

Depuis petite, je voue un amour particulier à la neige. Le magnifique manteau blanc a toujours été une source de bonheur pour moi. C'était durant les vacances de Noël que mes parents m'amenaient voir mes grands-parents maternels. C'était loin, en pleine campagne et il n'y avait pas de supermarché, ni même de supérette dans le village, juste une petite boulangerie qui faisait du pain succulent.

La plupart du temps, je connaissais les premières neiges là-bas. C'était magique, les lieux avaient un petit quelque chose que je n'ai jamais retrouvé nulle part ailleurs. Et ce, même si Waheatown est bourré de charme.

Là-bas, j'aimais regarder les immenses champs enfiler leur parure blanche. J'aimais faire des batailles de boule de neige avec les enfants du village. C'était comme si mon séjour était une parenthèse, une parenthèse hivernale et féerique.

Le souvenir des après-midis passés dans la neige me réchauffe toujours le cœur. Seulement après la mort de mon grand-père, mes parents ont arrêté de se rendre dans le petit patelin. À chaque vacance de Noël, j'attendais impatiemment derrière la fenêtre de la salle à manger qu'il neige. Mais lorsque celle-ci tombait, je ne retrouvais pas ma joie d'autrefois.

Puis l'année de mes quatorze ans, mes parents m'ont annoncé que l'on retournait voir ma grand-mère. J'étais heureuse de pouvoir enfin revoir l'endroit dont j'avais rêvé à maintes reprises durant mes nuits d'enfant. Malheureusement, j'ai vite compris la raison de cette visite lorsque j'ai vu mamie alitée et amaigrie. Il ne lui restait plus longtemps à vivre et son dernier souhait était de revoir sa fille, son genre et sa petite-fille.

Il y avait aussi Carolina évidemment, mais c'est vrai que j'étais sa préférée, au plus grand malheur de Julia qui voyait sa progéniture comme la perfection incarnée.

Bien sûr, j'en ai voulu à mes parents de m'avoir privée de ma grand-mère durant autant d'années. Annie, c'est ainsi qu'elle s'appelait, est décédée après la première chute de neige.

Ce fut un des instants les plus tristes de ma vie, mais un des plus beaux également, même si cela peut paraître étrange pour certains. Mes parents avaient réalisé son vœu, elle avait été à nos côtés durant ses derniers instants. Elle avait été entourée par l'amour qu'on lui portait et surtout, il avait neigé avant que ses yeux ne se ferment, épuisés d'une longue et belle vie et que son corps connaisse enfin le repos paisible qu'il avait amplement mérité.

Je ravale ma salive tandis que l'émotion causée par mes souvenirs me gagne. Je ferme les yeux et inspire. Un flocon tombe sur mes lèvres et je l'aspire involontairement. Calmement, j'écoute le silence qui s'offre à moi.

Au bout de quelques minutes, j'ouvre à nouveau les yeux. Les flocons ont encore grossi et une fine particule blanche commence à recouvrir le sol. Je tourne une fois de plus en rond en ouvrant grand les bras, tombe mon bonnet, mais ne m'arrête pas pour autant. Ma grand-mère aimait la neige et sa phrase majestueuse se répète dans ma tête « chaque flocon tombé sera une pensée pour toi Anna, petit ange tombé du ciel pour adoucir et colorer mes vieux jours ».